Ils continuent à réclamer la dissolutiondes entreprises de VTC : Taxieurs : s’adapter au digital ou disparaitre
Faudra-t-il supprimer les applications VTC qui, elles aussi, ont permis à des milliers de pères de familles de renouer avec la vie active ? Faudra-t-il mettre fin à une activité qui a émergé dans un monde digital où la concurrence loyale est de mise ? Faudra-t-il éradiquer des applications qualifiées de « salvatrices » par les clients qui peinaient, il y a seulement quelques années, à trouver un taxi qui se dirigeait dans la même direction que lui ?
Les chauffeurs de taxis sont revenus à la charge en organisant un rassemblement devant le siège de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) pour réclamer la dissolution des entreprises de VTC. Initié par le Syndicat national des chauffeurs de taxi et des transporteurs (SNTT), cette action avait pour objectif d’interpeller les ministères des Transports et du Commerce, mais aussi le ministère de l’Economie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises afin de mettre un terme à l’activité de transport de personne via les applications smartphones, lancées ces dernières années, par plusieurs entreprises de VTC (voiture de transport avec chauffeur). Ils s’appuient sur divers arguments, indiquant que cette activité était « illégale » et n’est régie par aucun texte de loi et qu’il s’agit d’un « secteur parallèle ».Les manifestants ont menacé de recourir à une grève nationale qui impliquerait 200.000 chauffeurs de taxis, toutes dessertes confondues. Jugeant que « l’activité des chauffeurs de taxi a pâti de l’introduction de ces applications et a amplifié les problèmes professionnels accumulés depuis 20 ans, en particulier en ce qui concerne le gel de la licence d’exploitation et l’absence de stations, ainsi que la tarification qui est trop basse par rapport au pouvoir d’achat », les manifestants ont pointé du doigt l’administration pour avoir pris « des décisions unilatérales sans impliquer le syndicat ». Et de souligner qu’il était temps « d’ouvrir les portes du dialogue (…) L’activité des chauffeurs de taxi a beaucoup diminué depuis l’émergence de ces applications ». Cette manifestation intervient cinq jours après l’intervention du ministre de l’Economie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises, Yacine El Mahdi Oualid, à l’Assemblée populaire nationale (APN) où il avait exposé les dispositifs de la nouvelle loi de l’autoentrepreneur dans le pays. Mettant en exergue l’illégalité d’une dizaine d’entreprises VTC, dont Yassir, Heetch, In Driver, Coursa et TemTem, les taxieurs persistent à dire qu’il n’existe « aucun cadre juridique » qui leur permettrait de les bousculer. Dans les coulisses de cette manifestation, il est également dit que les chauffeurs de taxis doivent accéder aux avantages de la profession, comme la mise à jour des tarifs actuellement appliqués et la disponibilité des stations dédiées à leurs clients. A la bonne heure si ces travailleurs venaient à revendiquer leurs droits pour assainir cette activité qui, autrefois, était livrée aux « humeurs » de certains chauffeurs de taxis qui empoisonnaient la vie des voyageurs, notamment dans les grandes agglomérations, comme Alger, Oran, Constantine et Annaba. Aujourd’hui, plusieurs questions coulent de source : Faudra-t-il supprimer les applications VTC qui, elles aussi, ont permis à des milliers de pères de familles de renouer avec la vie active ? Faudra-t-il mettre fin à une activité qui a émergé dans un monde digital où la concurrence loyale est de mise ? Faudra-t-il éradiquer des applications qualifiées de « salvatrices » par les clients qui peinaient, il y a seulement quelques années, à trouver un taxi qui se dirigeait dans la même direction que lui ? Hélas, le débat mérite d’être porté au plus haut niveau des institutions en charge des secteurs du commerce, du transport et du numérique. Loin de faire le parallèle, un médecin qui gère un cabinet médical pourrait, lui aussi, réclamer la suppression de la téléconsultation ou encore des soins à domicile, comme un gérant d’une supérette et d’un restaurant pourraient s’insurger contre les livraisons à domicile par les entreprises qui recourent aux applications digitales. Car, au fond de la chose, on tend souvent à oublier que le client constitue le cœur de métier du secteur des services, qu’il soit exercé avec une licence ou une application VTC. A trop prendre le pli dans les métiers bousculés par les code du digital, on oublie le refus des chauffeurs de taxi d’assurer une course à un client sous le couvert d’arguments irrationnels. Pourtant, la loi est claire comme l’eau de roche : une fois parvenu à la tête de la file, le chauffeur de taxi ne peut refuser la course que lui demande un client, sauf si cette course le mène à plus de 50 km des limites de son territoire de travail autorisé. Était-ce le cas il y a quelques années quand on refusait aux clients des courses sur des trajets de 5 et 10 kilomètres dans la même circonscription ? Au final, la balle est dans le camp des pouvoirs publics, appelés à légiférer et à codifier toutes les activités émergentes. Mieux, il serait plus judicieux de les encadrer pour s’adapter à un monde qui exige la raison et ouvrir grandes les portes aux nouvelles générations qui ubérisent davantage toutes les activités pourvoyeuses d’emplois et de fiscalité. En ce sens, il convient de rappeler que l’ancien ministre des Transports, Aïssa Bekkaï, avait annoncé que son département œuvrait au développement et au renforcement du service VTC dans le pays pour améliorer les prestations de service dans le transport terrestre des voyageurs.
Riad Lamara