Avoirs et biens détournés : Ce que la Justice a récupéré
Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Abderrachid Tabi, est revenu, hier, avec plus de détails sur les 20 milliards de dollars d’avoirs et de biens récupérés, dans le cadre des enquêtes relatives à la corruption, un chiffre avancé par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, jeudi dernier, lors de sa dernière entrevue avec les médias.
Le ministre de la Justice a tenu à signaler, d’emblé, que ce chiffre concerne « ce qui a été récupéré au niveau national ». Au niveau international, les choses « suivent leur cours », a-t-il précisé. A cet effet, apportant ainsi un démenti « formel » à « ceux qui ont exprimé des doutes » par rapport à ce chiffre, celui-ci, exhibant un dossier de 1400 pages, a donné un aperçu, « non exhaustif », comme il l’a précisé, puisque « représentant seulement 15 ou 20%, de ce qui a été rapporté dans le dossier en question, des avoirs et biens récupérés dans le cadre des enquêtes contre la corruption. Un chiffre « provisoire », a-t-il ajouté, puisqu’il ne s’agit que de ceux concernés par des décisions définitives de justice. « Le chiffre pourra être porté à la hausse, au fur et à mesure que les verdicts définitifs seront prononcés », a-t-il indiqué. Ainsi, il est question de 4.213 biens immobiliers et 401 biens industriels, dont « des dizaines d’usines, à l’image de l’usine de ciment sise à Relizane, ceux de fer à Msila et Berrahel à Annaba, les unités de montage de véhicules, à Boumerdes, Tiaret, Saida et Relizaine, d’industries d’huiles à Jijel, Oran et Alger, de raffinage de sucre ou de la fabrication des médicaments à Reghaia et Tissemsilt ». L’Etat a aussi récupéré, a ajouté le ministre, 229 assiettes de foncier agricole représentant des milliers d’hectares, dont la superficie d’une seule parcelle peut varier de 5000 à 15 000 hectares. Pour ce qui est du foncier immobilier, celui-ci a avancé le chiffre de 425 biens, dont 14 promotions immobilières, qui ne sont pas des moindres parce que, à titre d’exemple, l’une d’entre elles, sise à Oran, est de 1000 logements, alors qu’une autre à Bordj El Bahri est de 208 logements. Il y a également, enchaîne-t-il, 44 biens entre locaux et parkings, 211 villas, 1497 appartements de hauts standing dans de grandes villes comme Alger, Annaba, Oran, Setif et Constantine, 281 bâtisses en cours de construction, 21 infrastructures de tourisme, entre hôtels et complexes touristiques, ainsi que 596 locaux commerciaux, dont trois centre commerciaux se trouvant à Bab Ezzouar et Es-Senia. Pour ce qui est parc roulant récupéré, Abderrachid Tabi a cité le nombre de 7000 véhicules de tourisme, dont 1405 voitures de luxe et 2300 en cours de montage, 821 véhicules utilitaires, 4203 poids lourds entre camions et bus, 25 bateaux et autres embarcations de plaisance, 236 engins agricoles, 1330 grands engins ainsi que deux avions, dont l’un a été récupéré, alors que l’autre a été localisé. Le ministre de la Justice a également évoqué 23.774 « biens mobiliers », dont certains se trouvaient au niveau de plusieurs ports. Il est question aussi de la saisie de 6.447 comptes bancaires en dinars et devises et de 99 titres bancaires avec des valeurs différentes dont certains sont d’un milliard de centime. Le ministre a également cité des unités de concassage, des mines, des stations d’essence, du matériel médical, des bijoux, en or et diamant, ainsi que d’autres entreprises de secteurs différents comme l’audiovisuel.
224 commissions rogatoires
Il a tenu, par ailleurs, à indiquer que ce chiffre de 20 milliards de dollars ne concerne pas les crédits bancaires récupérés, dans le cadre de ces affaires de lutte contre la corruption et le détournement des fonds publics, en donnant l’exemple d’un crédit d’une valeur de 54 milliards de dinars, récupéré en l’espace de deux ans. Il en est de mêùe d’ailleurs pour ce qui est des biens et avoirs transférés à l’étranger, puisque ces affaires sont en cours de traitement. Abderrachid Tabi a indiqué, dans ce sens, que jusqu’à maintenant 224 commissions rogatoires et demandes d’entraide judiciaire internationale ont été lancées en direction d’une trentaine de pays, alors que le chiffre était, a-t-il précisé, de 219 lors de la présentation de la déclaration de politique général par l’exécutif à l’APN. Un processus qui avait connu des « complications », à son début, en 2019, mais qui a enregistré des « avancées » depuis l’année passée, puisque plusieurs pays, « convaincus du sérieux et crédibilité de la démarche de l’Algérie », a-t-il ajouté, « répondent de plus en plus favorablement ». « Aujourd’hui, il y a une coordination directe puisque les juges algériens rencontrent leurs homologues, des Etats-Unis, France, Espagne, Grande-Bretagne ou Italie », a indiqué le ministre, précisant qu’avec les Américains par exemple « il y a eu trois rencontres ». Tout cela fait dire au Garde des Sceaux que l’opération a été une « réussite ». Rendant hommage aux cadres et personnels qui, d’après ses dires, ont fournis beaucoup d’efforts dans ce cadre-là depuis trois ans, ainsi que toutes les institutions et structures étatiques qui y ont contribué, le ministre a estimé que « ceux qui ont exprimés des doutes par rapport à ce chiffre ne sont pas au courant de ce qui a été fait depuis 2019 ». Il a indiqué, en dernier lieu, que l’opération se poursuivra au fur et à mesure que les décisions de justice définitives seront rendues. « Il arrivera le moment où on fera un bilan définitif » de cette opération, a-t-il déclaré.
Elyas Nour