Projet de loi sur l’information : Les journalistes saisissent les députés
Les professionnels de la presse ont appelé, ce week-end à Alger, les députés à l’Assemblée populaire nationale (APN) à ajourner l’adoption des deux projets de loi relatifs à la presse écrite et électronique et à l’activité audiovisuelle. Et pour cause, estiment-ils, le législateur devra « corriger » et « combler les vides juridiques » contenus dans ces textes de loi et « remédier à certaines dispositions à caractère pénal », soulignant que « le métier de journaliste revêt un caractère spécifique qui mérite un Code de l’information et non des lignes rouges ». Lors d’une rencontre organisée par l’Organisation nationale des journalistes sportifs algériens (ONJSA) au centre de presse de l’Office olympique du 5 Juillet, à laquelle ont pris part des académiciens, des enseignants universitaires et des représentants de plusieurs médias publics et privés, les journalistes ont déploré le fait que « les pouvoirs publics n’ont pas associé les professionnels de la presse dans l’élaboration des différentes moutures de ces projets de loi ». Tout en exhortant le législateur à mettre en avant les soucis majeurs soulevés par les journalistes, notamment la révision en profondeur de plusieurs dispositions de ces deux projets de loi, les participants à cette rencontre ont interpellé les représentants du peuple à l’APN « à sensibiliser les groupes parlementaires pour ne pas voter ces lois telles qu’elles sont présentées et à repousser le délai de leur adoption », appelant « à associer les éditeurs de presse, les journalistes, les experts en information et en communication, les enseignants et les chercheurs universitaires pour déboucher sur un texte de loi plus flexible qui permettrait aux journalistes d’exercer son métier en toute liberté et dans le respect de l’éthique et de la déontologie ». Profitant de la présence du président de la Commission jeunesse et sports à l’APN, les journalistes ont appelé ce représentant du peuple à faire valoir à la Chambre basse du Parlement leurs préoccupations, notamment l’impératif d’« élaborer un statut particulier pour les journalistes, la nécessité d’imposer aux éditeurs une convention collective dans chaque entreprise de presse, avec, à la clé, un plan de carrière digne de ce nom, la promulgation des textes d’application pour chaque chapitre du prochain Code de l’information, la nécessité et l’urgence de promulguer une loi sur la publicité et une prise assurance spécifique pour les missions pénibles, outre le nécessaire déploiement des textes juridiques qui protégeraient les journalistes dans l’exercice de leurs fonctions sur le terrain ». Abordant certains aspects du nouveau Code de l’information, les journalistes regrettent que ce texte de loi ne confère pas assez de libertés, même si, estiment-ils, « il recèle beaucoup d’ondes positives, comme le système déclaratif pour la création d’un journal ». En outre, les présents ont soulevé la question de la représentativité dans les organes chargés de la régulation et du contrôle. « Les membres de ces organes seront désignés et non élus. Le législateur devra faire preuve de neutralité. Sans les professionnels de la presse, ces organes seront vidés de leur substance », ont dénoncé les présents. En revanche, les journalistes ont, tour à tour, souligné la dispersion des rangs dans la profession et l’absence de ce types de rencontres censées dépassionner les débats pour mieux assainir cette profession et redorer son blason, à l’instar de ce qui se faisait dans les années 1990, pour instaurer une charte d’éthique et de déontologie. A ce propos, plusieurs journalistes ont déploré les conditions précaires dans lesquelles exercent des centaines de confrères. Des conditions socioprofessionnelles entachées d’irrégularités, comme la non-déclaration des journalistes à la CNAS, des salaires au rabais, l’inexistence d’une assurance dans les missions à risques, des licenciements abusifs et autres conditions liées à leur carrière. En attendant des réponses de l’autre côté de l’APN, les journalistes comptent organiser, très prochainement, une rencontre similaire, invitant les confrères à être nombreux, tout en souhaitant la présence du président de la Commission chargé de la Communication à l’APN et – pourquoi pas – le président de l’APN, mais surtout le ministre de la Communication, Mohamed Bouslimani. Cela va sans dire, plusieurs autres voix ont exigé la présence, à ce genre de rencontres, des directeurs de publication, premiers responsables à être comptables devant les journalistes de la situation critique que traverse le secteur. Sensibilisé par cette question, le député présent à promis de faire part de toutes ces doléances aux présidents des groupes parlementaires et au président de l’APN. « Je transmettrai personnellement toutes vos doléances au président de l’APN, mais aussi à mes collègues de la Commission chargée de la Communication à l’Assemblée. Je leur ferai part, dans le détail, de ce riche et fructueux débat marqué un franc-parler et de cet échange d’idées dans un esprit des plus lucides et respectueux », a affirmé le président de la Commission jeunesse et sports à l’APN. Une chose est sure, la rencontre organisée par l’ONJSA, que préside le journaliste Youcef Tazir, a été une opportunité tant pour les journalistes d’exprimer leur inquiétude et leur propositions que pour le représentant de l’APN de jauger l’état d’esprit qui prévaut au niveau des médias nationaux, d’autre part.
Riad Lamara