Projet de loi relatif à l’exercice du droit syndical : Une adoption sur fond de contestation
Le projet de loi relatif à l’exercice du droit syndical a été adopté, mardi, à la majorité par les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN) lors d’une séance plénière. Les députés du MSP, du mouvement Bina et les deux députés du PLJ ont voté contre le texte. Une trentaine de syndicats autonomes ont rendu public le même jour une déclaration signée conjointement pour dénoncer le texte en question et saisir une nouvelle fois le président de la République pour son retrait.
C’est finalement sans grand changement que le projet de loi relatif à l’exercice du droit syndical a été adopté, mardi, à la majorité par les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN). « Le nombre des amendements soumis à la commission spécialisée s’élève à 56, dont 24 ont été retirés. La commission a introduit 4 amendements ayant touché les articles 12 modifié, 13, 23 modifié et 31 », a indiqué un communiqué de l’Assemblée. Les articles en question concernent donc la relation des syndicats avec les partis politiques (les articles 12 et 13) – il est interdit à une organisation syndicale de se lier organiquement à un parti politique (article 12) ou d’un responsable syndical d’exprimer son soutien à un candidat à une élection (article 13) – l’adhésion d’un syndicat à une confédération (article 23) et le dépôt du dossier pour la création d’un syndicat ou d’une confédération de syndicats (article 31). Des changements qui finalement n’ont pas touché au fond des articles. C’est d’ailleurs l’article 13 qui a provoqué les débats les plus houleux. Les députés du Mouvement de la société pour la paix (MSP) ont, par exemple, demandé sa suppression, arguant qu’il va à l’encontre de l’article 35 de la Constitution qui stipule que « les droits fondamentaux et les libertés sont garantis par l’Etat ». Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, Youcef Cherfa, a estimé, quant à lui, que ce droit est garanti parce que les travailleurs membres des syndicats sont libres d’adhérer à un parti politique ou non. Finalement, cet article 13 a été adopté par 183 voix pour (son maintien tel que proposé au départ) et 90 voix contre. A noter, dans ce sens, que l’amendement proposé pour faire baisser le taux de représentativité de 30%, comme mentionné dans la mouture du projet de loi, à 25% (article 73), n’a finalement pas été retenu. A cet effet, dans un communiqué, le groupe parlementaire du MSP a indiqué qu’il avait décidé de voter « non » sur les projets de loi relatifs, à l’exercice syndical et celui régissant les relations entre le Parlement et le Gouvernement, adopté le même jour aussi, en raison de la « confiscation de droits consacrés par la Constitution ». Il est question aussi, ajoute-t-on de même source, de lois « contraires aux conventions internationales ratifiées par l’Algérie ». Le parti cite aussi l’ « unilatéralisme » dans la préparation de textes de loi et le « rejet » de tous les amendements qu’il a proposés. La veille, les deux députés du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), Beradji El Ouardi et Fatima-Zohra Hadji ont également expliqué pourquoi ils ont rejeté le projet de loi relatif à l’exercice syndical. Ils ont évoqué à cet effet, entre autres, « le maintien du taux de représentativité à 30% », « l’interdiction aux dirigeants syndicalistes de faire de la politique », « l’interdiction de la grève de solidarité », disposition contenue dans le projet de loi relatif au droit de grève, ou encore le fait que « certaines dispositions sont une ingérence dans le fonctionnement interne d’un syndicat ». Le mouvement Bina, lui aussi, a rejeté le texte. Son groupe parlementaire a indiqué, dans un communiqué, qu’il avait tenté d’amender, mais en vain, certains articles qui, d’après lui, « ne sont pas clairs et sont, par conséquent, susceptibles d’être utilisés pour porter atteintes aux libertés individuelles et collectives lors de leur application ce qui va à l’encontre des dispositions de la Constitution ». Bien entendu, les syndicats autonomes ont également réagi. Trente organisations syndicales ont, donc, signé mardi 7 mars un communiqué conjoint, dans lequel elles expriment une nouvelle fois leurs « rejet » de ce texte exigeant son « retrait » et la « réouverture d’un dialogue serein et responsable » en impliquant « les syndicats autonomes des différentes secteurs ». Ces syndicats saisissent, dans le même sens, le président de la République, pour qu’il « intervienne en urgence pour mettre un terme à la politique du fait accompli et le retrait du texte ». Il faut rappeler, qu’à l’issue du vote, le ministre du Travail a affirmé que le projet de loi devra « encadrer l’action syndicale, renforcer le rôle des organisations syndicales dans la défense des droits et réaliser la justice sociale ». D’après lui, la loi devra « garantir aux organisations syndicales leur place en tant que l’une des institutions les plus importantes de la société ». Il est aussi question, a-t-il ajouté, de « renforcer la liberté de l’action syndicale et d’activer son rôle dans la défense des droits fondamentaux des travailleurs et le développement de la société ». En somme, malgré les assurances de l’Exécutif, ce texte de loi, adopté essentiellement par les députés du FLN, RND et les indépendants, risquent d’alimenter encore les débats.
Elyas Nour