Projet de loi relatif au droit de grève : Quatre amendements de fond proposés
La Commission de la santé, des affaires sociales, du travail et de la formation professionnelle de l’Assemblée populaire nationale (APN) a proposé quatre amendements de fond au projet de loi relatif à la prévention et au règlement conflits collectifs au travail et à l’exercice du droit de grève. Le plus important concerne le seuil nécessaire pour valider une grève lors d’une assemblée générale des travailleurs, ramené de la « majorité absolue » à la « majorité simple ».
Même si le texte en question, en plus bien entendu de celui concernant l’exercice syndical, a été largement contesté par les syndicats, y compris l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), les membres de la Commission n’y ont pas finalement apporté d’importants changements, du moins ceux qui puissent remettre en cause certains aspects du projet, en ne proposant majoritairement que des amendements de forme. A cet effet, 38 amendements de forme ont été proposés, contre 4 amendements de fond seulement ont été mentionnés dans le rapport préliminaire de la dite-commission au sujet de ce projet de loi. Il y a lieu de citer, à ce titre, l’amendement relatif à l’article 48 qui stipule que la « majorité simple » des travailleurs ayant assisté à une assemblée générale suffit pour valider une grève, au lieu de la « majorité absolue » comme mentionné dans la mouture initiale. De plus, cette décision peut être prise alors que « plus de la moitié » des travailleurs concernés prennent part à l’assemblée générale en question et non les « deux-tiers ». C’est le plus significatif amendement qui a été proposé par la Commission. Les autres se rapprochent plus d’un souci de forme. Dans l’article 11 par exemple, « l’inspecteur de travail doit mentionner, lors d’une conciliation qui a abouti, les points sur lesquels les deux parties se sont entendues ». L’amendement prévoit aussi que celui-ci « doit porter sur le même PV les questions autour desquelles il y a un différend qui persiste entre les employeurs et les employés ». Pour ce qui est de l’article 60, les députés de la Commission ont proposé de le reformuler de la sorte : « L’occupation par les travailleurs en grève des locaux professionnels et lieux de travail de l’employeur est interdite lorsqu’elle entrave à la liberté de travail », et ce en ajoutant « lieux de travail », alors qu’initialement il n’était question que de « locaux professionnels ». Par ailleurs, dans l’article 65, la Commission rend « obligatoire » la « notification » par l’employeur de la réquisition envers l’employé concerné. Ceci, pour dire que finalement, il n’y a eu principalement qu’un seul article qui a été remanié dans le fond. Les autres aspects du projet de loi n’ont pas été touchés. Il faut rappeler que, d’une manière générale, ce projet de loi renforce les outils pouvant limiter le recours à la grève notamment en mettant en place, en plus de la conciliation prévue déjà par la loi, une seconde conciliation, ordonné par le ministre de tutelle, et par la suite, une médiation, locale ou sectorielle, puis nationale. Il y a également l’introduction de concept de « médiation facultative » et de celle de « médiation obligatoire ». Par ailleurs, une grève est déclarée illégale lorsque « elle est motivée par des objectifs politiques, d’une durée illimitée, subite, cyclique ou solidaire, motivée par un objectif étranger à l’intérêt professionnel des travailleurs, ou encore exercée sans respecter les dispositions légales ou conventionnelles ». Tout comme celles « dont résulterait des actes de violence, d’agression, de menace ou des manœuvres pour porter atteinte à la liberté de travailler ou d’inciter le personnel non gréviste à rejoindre la grève », ou lorsque elle va « à l’encontre d’un accord de conciliation, d’une médiation ou d’une décision de justice ». Des dispositions qui, de l’avis des syndicats, limitent drastiquement la possibilité du recours à la grève et remettent en cause, comme cela a été signalé plus d’une fois, dans les communiqués des syndicats autonomes, « un droit consacré par la Constitution ». En somme, les députés de la Commission semblent satisfaits du contenu du texte. A rappeler d’ailleurs que celui-ci, dans son article 67, interdit « le recours à la grève des fonctionnaires exerçant dans les secteurs de défense et de la sécurité, ceux qui exercent des fonctions au nom de l’Etat, ou exercent des fonctions dans des secteurs stratégiques et sensibles, pour ce qui est de la souveraineté ou pour la préservation des services essentiels d’une importance vitale pour la nation, dont l’interruption peut présenter un danger pour la vie, la sécurité et la santé du citoyen, ou lorsque la grève peut, par ses répercussions, conduire à une grave crise ». « La liste des secteurs, employés et fonctions qui sont interdits de grève sera définie par voie réglementaire », ajoute encore le même article.
Lors de la présentation de ce texte le 10 janvier dernier devant Commission de la santé, des affaires sociales, du travail et de la formation professionnelle, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, Youcef Cherfa, a estimé que celui-ci « accorde une grande importance au dialogue entre les partenaires sociaux en vue d’adopter des solutions conjointes et consensuelles à même de promouvoir les relations professionnelles et la stabilité socioéconomique ». Dans le préambule de son rapport préliminaire, la Commission a estimé, pour sa part, que « ce projet de loi vise à garantir la stabilité sociale, la continuité du service public, la préservation de la sécurité des individus et des biens, lorsque des conflits collectifs surgissent, et limite les retombés de ces derniers sur l’économie nationale ». Et ce « en insistant sur le dialogue avec les partenaires sociaux, en tant que priorité, en mettant en place le climat nécessaire pour la relance de l’économie et la paix sociale dans le cadre d’un cadre réglementaire faisant en sorte que l’exercice du droit de grève soit l’ultime recours après avoir épuisé tous les moyens de conciliations ». « Pour ce qui est des modalités relatives à l’exercice du droit de grève, de nouvelles dispositions et des conditions pour l’encadrer ont été introduites afin de limiter les grèves illégales, et garantir la continuité du service public et les activités économiques vitales, avec l’établissement d’une liste des secteurs, employés et postes qui sont interdites du recours à l’exercice de ce droit », ajoute-t-on encore.
Elyas Nour