Coopération Algérie-UE : Les messages contradictoires de Bruxelles
Le Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, vice-président de la Commission européenne, Josep Borrell, est depuis hier à Alger où il effectue une visite de deux jours.
Au cours de son séjour, le premier du genre de M. Borrell en Algérie depuis sa prise de fonction en décembre 2019, le Haut représentant de l’UE sera reçu en audience par le Président Abdelmadjid Tebboune ainsi que par le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane. La visite du Haut représentant de l’UE, indique un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères, « s’inscrit dans le sillage de la visite en Algérie du président du Conseil européen, Charles Michel, effectuée en septembre 2022, marquant la volonté de l’Algérie et l’UE de rehausser leur coopération dans tous les domaines ». Cette visite, ajoute la même source, sera l’occasion « de poursuivre le dialogue politique entre les deux parties et de faire le bilan de la coopération et les perspectives de son approfondissement, dans le cadre d’une mise en œuvre équilibrée et adaptée de l’Accord d’association Algérie-UE ».
Il est à peu près certain que les autorités algériennes vont mettre à profit la présence à Alger du Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité pour plaider en faveur de la révision de l’Accord de l’association qui lie l’Algérie à l’UE. Accord que les autorités algériennes ont régulièrement qualifié de déséquilibré, voire de carrément désavantageux. Il est d’ailleurs bloqué depuis plusieurs années. Sur cette question, Bruxelles souffle le chaud et le froid. Si le président du Conseil européen, Charles Michel, ne voit pas d’inconvénient à cette révision, cela ne semble pas être le cas de Josep Borrell. Dans un entretien accordé hier à notre confrère El Khader, il a laissé entendre que le cadre actuel permet de débloquer la situation. «L’Accord d’association entre l’Union européenne et l’Algérie est la pierre angulaire d’un partenariat que l’Union européenne veut solide et stratégique, avec un voisin très important pour nous. Nous considérons qu’il contient les éléments nécessaires, tant juridiques qu’institutionnels, pour atteindre nos objectifs communs conformément aux intérêts de chacune des deux parties », a répondu l’ancien MAE espagnol.
Le responsable européen estime par ailleurs que l’Algérie et l’UE doivent être plus pragmatiques et efficaces. « En 2015-2016 un travail important avait été engagé dans ce sens conjointement par l’UE et l’Algérie. Les recommandations issues de ces échanges restent toujours d’actualité », a-t-il ajouté. Quid de l’aspect commercial de l’accord ? Sur cette question M. Borrell a expliqué que « les exportations de l’UE vers l’Algérie ont diminué de 45% depuis 2015 et la balance commerciale est en faveur de l’Algérie, si nous incluons les exportations d’hydrocarbures ». Il indiquera en outre que « comme les autorités algériennes, nous pensons qu’il existe un énorme potentiel non réalisé dans ce domaine. Pour l’exploiter, il nous faut améliorer la mise en œuvre de l’Accord en vigueur. Les règles qu’il prévoit doivent en particulier être pleinement respectées, sans discriminations ». Toutefois, Josep Borrell ne ferme pas complètement la porte au dialogue. A ce sujet, il indique que l’UE « est, bien sûr, prête à écouter des propositions concrètes selon les règles prévues par l’Accord et sur la base de ce que nous faisons déjà avec d’autres partenaires ». Mais le fait est là, Bruxelles envoie des messages contradictoires.
L’Algérie partenaire énergétique clé de l’UE
Sur la coopération énergétique, le Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité a qualifié l’Algérie de « partenaire clé de l’UE ». « En tant que fournisseur fiable de gaz naturel, elle joue un rôle très important pour la sécurité des approvisionnements énergétiques européens, et ce, à un moment clé. Nous en sommes conscients et reconnaissants. Nous souhaitons consolider et approfondir ce partenariat mutuellement bénéfique en travaillant ensemble pour relever le double défi de la sécurité et de la soutenabilité énergétiques. Nous sommes prêts à intensifier la coopération euro-algérienne afin de faciliter les investissements dans ce domaine stratégique », a-t-il soutenu. Josep Borrell a néanmoins expliqué que l’UE veut aussi inscrire son partenariat avec l’Algérie dans une perspective de long terme. Il a ajouté que « les investissements européens dans de nouveaux projets d’infrastructure doivent servir à la transition énergétique, car l’Union Européenne entend atteindre la neutralité carbone comme convenu lors de la Conférence de Paris ». Par conséquent, a-t-il poursuivi, le soutien financier de l’UE se concentre sur les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et l’hydrogène. « L’Algérie dispose d’un excellent potentiel dans ces domaines, encore peu exploité. L’Europe est prête à mobiliser technologies et capitaux pour accompagner leur développement en Algérie », a assuré le responsable européen. La question qui se pose maintenant est de savoir s’il est du rôle de l’UE de mobiliser les capitaux pour investir en Algérie, d’autant que ce genre de question est tranché dans le cadre d’accords de partenariat entre entreprises.
Khider Larbi