Près de la moitié des pays du continent sont surendettés : L’Afrique face au lourd fardeau de la dette
La Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED) vient de rendre public un rapport alarmant sur la dette de l’Afrique. Intitulé « Trade and Development Report Update », le document en question se base sur une analyse de viabilité de la dette des pays à faible revenu arrêtée au 28 février 2023. Sur les 38 pays couverts par le cadre conjoint de viabilité de la dette des pays à faible revenu (CVD PFR) du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, 8 pays africains sont déjà en situation de surendettement et 13 autres présentent un risque élevé de surendettement. Les pays en situation de surendettement sont la République du Congo, le Malawi, le Mozambique, Sao Tomé-et-Principe, la Somalie, le Soudan, la Zambie et le Zimbabwe. Parmi les pays présentant un risque élevé de surendettement sont le Burundi, le Cameroun, la Centrafrique, le Tchad, l’Ethiopie, la Gambie, le Ghana, la Guinée-Bissau, le Kenya, la Sierra Leone et le Soudan du Sud.
Le rapport souligne également que de nombreux pays africains s’approchent actuellement d’un « mur d’échéances », car la plupart des euro-obligations émises au cours de la décennie précédente arriveront à échéance au cours des prochaines années. Les remboursements devraient atteindre leur plus haut niveau en 2024 et rester élevés durant la prochaine décennie, à l’heure même où la plupart des pays du continent ne sont pas en mesure de faire appel aux marchés internationaux pour refinancer leurs dettes. Une autre ombre au tableau, la CNUCED estime que l’Afrique devrait connaître une croissance moyenne de 2,5% en 2023, un taux en baisse par rapport à celui de 2022 et qui demeure insuffisant pour réduire les niveaux de pauvreté. Ce ralentissement prévu de la croissance économique découlera essentiellement de l’affaiblissement de la demande extérieure et du resserrement des conditions financières. Dans le cas des pays exportateurs de matières premières, l’atténuation des effets de la flambée des prix enregistrée en 2022 assombrit davantage l’horizon économique. La hausse des taux d’intérêt à l’échelle mondiale a par ailleurs déclenché d’importantes sorties de capitaux, réduisant ainsi la marge de manœuvre budgétaire à un moment où les finances publiques sont déjà pleinement mobilisées par des programmes de subventions coûteux qui visent à lutter contre les effets néfastes de la hausse des prix des denrées alimentaires. Parmi les points positifs, la CNUCED cite notamment la reprise du tourisme alors que les pays africains dépendants de ce secteur ont en moyenne récupéré en 2022 deux tiers de leurs niveaux de fréquentation (nombre de visiteurs) d’avant la pandémie du coronavirus. La tendance haussière devrait se poursuivre cette année. La situation devrait profiter à des pays comme la Tunisie qui traverse une situation socio-économique extrêmement difficile.
En outre, la levée des restrictions sanitaires en Chine devrait stimuler la demande de certaines matières premières clés telles que le minerai de fer, le platine, le cuivre et l’acier, même si l’embellie pourrait ne pas se poursuivre à moyen terme. Il est en effet peu probable que le secteur chinois de la construction à forte intensité de matières premières connaisse une croissance rapide durant les années à venir.
L’alternative chinoise
L’Afrique peut-elle compter sur la communauté internationale pour alléger le fardeau de la dette ? Peu probable. Pour le moment il n’y a que la Chine, grand créancier de bon nombre de nations africaines, qui propose un nouveau compromis sur la restructuration de la dette des pays en développement. Dans le cadre de ce nouveau plan, la Chine propose de renoncer à sa demande d’inclure les institutions financières multilatérales (FMI et Banque mondiale) dans les négociations sur la restructuration de la dette, en contrepartie d’un engagement de ces mêmes institutions et des banques de développement régionales, dont la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque asiatique de développement (ADB), à fournir de nouveaux financements à faible coût, y compris des subventions, aux pays dont la dette est en cours de restructuration. En cas d’accord sur son contenu entre les principaux créanciers, la proposition chinoise pourrait permettre de débloquer les négociations sur la restructuration de la dette de plusieurs pays africains, dont la Zambie et le Ghana, et servir de modèle à des accords d’allègement de la dette pour d’autres pays en développement.
Le groupe des vingt économies les plus développées de la planète (G20) avait lancé, en 2020, une initiative baptisée « Cadre commun du G20 pour les traitements de dette », mais aucun des pays concernés n’a jusqu’ici bénéficié de cette initiative. Les blocages sont en partie dus à des désaccords entre les pays riches, qui ont traditionnellement piloté les processus de restructuration de la dette des pays pauvres, et la Chine qui est désormais un créancier international majeur.
Khider Larbi