Le développement minier redevient une priorité près de six décennies après la nationalisation / Mines : un enjeu stratégique
Le développement minier est l’axe majeur de la nouvelle politique de diversification de l’économie nationale. Un secteur longtemps négligé malgré son énorme potentiel. Un secteur appelé à redevenir stratégique, près de six décennies après la nationalisation des mines, au regard du contexte géopolitique actuel de lutte pour le contrôle des terres et minéraux critiques.
Faire des mines et du développement des terres rares, aux côtés de l’exploitation des hydrocarbures et de leur valorisation, le faire de lance de l’économie nationale. Si cet objectif avait présidé à la vision du défunt président Houari Boumediene, qui a annoncé la nationalisation des mines un certain 6 mai 1966, soit 5 ans avant la nationalisation des hydrocarbures, le secteur a connu après une période de dynamisme, un fort déclin notamment durant les années 80 et 90 du siècle dernier, marqué par l’arrêt de nombreuses opérations minières. Un déclin qu’il s’agit d’inverser aujourd’hui. Il si la logique qui avait motivé la nationalisation des mines était assise sur la nécessaire restauration de la souveraineté nationale sur les richesses du sous-sol algérien pour parachever l’indépendance politique acquise en 1962 par l’affranchissement de l’économie nationale de toute forme d’aliénation, les enjeux liés au développement du secteur des mines sont aujourd’hui stratégiques. Il faut dire qu’à l’annonce de la nationalisation des Mines par le défunt président Houari Boumediene, onze principales sociétés minières ont été totalement récupérées et placées sous la tutelle du Bureau algérien de recherches et d’exploitations minières (BAREM), qui venait d’être créé.Il s’agissait notamment de la nationalisation des sociétés qui exploitaient, entres autres, les mines de fer et de cuivre d’Ouenza et Boukhadra (Tébessa), d’exploitation de fer d’El Halia (Meliana), de zinc et de plomb à Sidi Kamber (Constantine), de plomb et de zinc de l’Ouarsenis, de zinc à Ain Arko (Guelma), de celle d’Aïn-Barbar (Annaba) et des sociétés des mines et carrières de Rivet El Maden à Meftah (Blida), ainsi que les mines de Hammam n’Bails de l’Ouarsenis. Cette nationalisation avait été suivie par la création de la Société nationale de recherches et d’exploitations minières (SONAREM), en mai 1967, permettant au pays de lancer une multitude de projets, à l’instar du gisement mercuriel de Bou Ismaïl, des carrières de calcaires, de mines de plomb et zinc, ainsi que le développement de la production des mines de fer de Ouenza et de Boukhadra, et de celles du phosphate du complexe minier de Djebel Onk. Toutefois, le secteur avait connu durant les années 80 et 90 une période difficile marquée par une phase de restructuration de la SONAREM, ayant conduit à l’arrêt de développement de plusieurs opérations minières. Un déclin qui avait conduit à restreindre l’activité minière à l’exploitation de quelques carrières et sablières, laissant le reste du potentiel minier national largement sous-exploité, voire inexploités. Une situation préjudiciable, d’autant plus que l’Algérie abrite dans son sous-sol, selon certaines recherches, pas moins de 20% des réserves mondiales de terres rares et se trouve à la seconde ou troisième position des pays qui comptent les plus grandes réserves. Un fait qui est loin d’être anodin, d’autant plus que dans un contexte de transition numérique et énergétique, le contrôle des terres et des minéraux critiques est devenu un enjeu stratégique. Et le potentiel algérien attise les convoitises. Au-delà de la Chine qui investit dans l’exploitation minière en Algérie, la France a également une offensive en ce sens. D’où la nécessité d’anticiper et de prendre les choses en main, d’autant plus qu’il s’agit pour l’Algérie de dépasser l’approche assise sur l’exportation des ressources minière et remplacer ainsi une rente par une autre, mais plutôt de valoriser cette ressource à travers une approche industrielle intégrée et fournir des intrants et des demi-produits aussi bien pour l’industrie nationale que pour les marchés à l’export. C’est dans ce contexte que le président de la République a ordonné la mise en place d’un cahier des charges pour l’exploitation des terres rares. A cet effet, un plan d’action sur la période 2020-2024 a été mis en place visant à redynamiser le secteur et lui permettre une meilleure contribution à la croissance de l’économie nationale. Ce programme concerne la recherche des métaux de base, du cuivre, du fer, de la baryte, du soufre natif, du charbon, des sels potassiques, de l’or et métaux associés, ainsi que les terres rares.
Au-delà, le département de l’Énergie et des Mines a entrepris un vaste chantier de réformes assis notamment l’actualisation de la carte minière pour clairement définir et identifier le potentiel minier national et sur la révision de la loi minière pour améliorer son attractivité pour les investisseurs étrangers.
Outre la finalisation de la révision de la loi cadre du secteur, les autorités ont pris une série de mesures en vue de faciliter l’investissement dans ce domaine en simplifiant les procédures relatives aux autorisations d’exploration et d’exploitation des ressources minières, ainsi que l’octroi d’incitations financières et fiscales attractives au profit des investisseurs tant algériens qu’étrangers. Le Gouvernement a également procédé au lancement de grands projets structurants à l’instar du projet d’exploitation de la mine de fer de Gara Djebilet (Tindouf), du projet d’exploitation du plomb et du zinc de Oued Amizour (Béjaïa), ainsi que le projet du phosphate de Bled El-Hadba (Tébessa). La mine de Gara Djebilet est mise en exploitation depuis juillet 2022 et devra répondre aux besoins de la sidérurgie nationale et de substituer aux importations en matières premières, estimées à 2 milliards de dollars, et devra exporter des quantités importantes, en sus de quelque 3.000 emplois créés. Le Projet du phosphate intégré (PPI), quant à lui, doit permettre à l’Algérie d’être l’un des principaux pays exportateurs d’engrais et de fertilisants, avec une production annuelle prévisionnelle de plus de 6 millions de tonnes de produits phosphatés. Quant au projet d’exploitation de gisements de zinc et de plomb à Oued Amizour, il revêt un caractère stratégique pour le pays, de par son potentiel minier exploitable estimé à 34 millions de tonnes pour une production annuelle de 170.000 tonnes de concentré de zinc.
Samira Ghrib