Rapatriement des avoirs pillés et détournés à l’étranger :L’appel à la coopération
Le Premier ministre a appelé hier les pays partenaires de l’Algérie à l’aider à récupérer les biens pillés et détournés vers l’Algérie. Il a également mis certains de ces pays qui offrent refuge à ces fonds face à leurs responsabilités, mettant en avant la dichotomie du discours tenu en matière de lutte contre la corruption.
Le Premier ministre, Aïmène Benabderrahmane, a présidé hier la cérémonie de lancement de la stratégie nationale de lutte contre la corruption. Une stratégie qui impose désormais des engagements contraignants pour les établissements publics, les entreprises économiques publiques et privées, ainsi que pour les acteurs de la société civile. L’occasion aussi pour le Premier ministre d’évoquer la question du rapatriement des avoirs spoliés et détournés à l’étranger. Le Premier ministre a, ainsi, appelé les partenaires étrangers à aider l’Algérie à récupérer ses fonds détournés vers leurs pays. Non sans dénoncer la dichotomie dans le discours tenu par certains pays en ce qui concerne la lutte contre la corruption, Aïmène Benabderrahmane a estimé qu’« il n’est pas normal que ces pays nous demandent de lutter contre la corruption et refusent de nous aider à récupérer les fonds détournés en offrant même parfois un refuge à cet argent ». « Nous demandons à tous les organes et pays où sont domiciliés les fonds détournés dans le cadre de la corruption de nous aider à les récupérer », a dit le Premier ministre. « La corruption est un phénomène transnational aux ramifications et formes multiples, d’où la nécessité d’une planification stratégique reposant sur des bases et des méthodologies scientifiques, en s’inspirant des expériences des autres pays et en coopérant avec les organisations activant dans ce cadre », a affirmé Benabderrahmane.
Il est vrai que la récupération des avoirs détournés sous le régime Bouteflika est l’un des principaux engagements du Président Abdelmadjid Tebboune. Dans ce contexte, l’Exécutif a mis en place une véritable stratégie en ce sens. Une stratégie qui s’appuie d’abord sur l’identification et la saisie de ces fonds. Ainsi, au mois de mai dernier, le président de la République a indiqué que l’Algérie a récupéré pour 22 milliards de dollars de fonds spoliés, aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, soulignant que la lutte contre la corruption se poursuit avec détermination au quotidien. Quelques semaines auparavant il avait indiqué dans un entretien à la chaine de télévision qatarie que l’Espagne avait restitué 3 hôtels 5 étoiles à l’Algérie. Des résultats qui sont le fruit des efforts déployés pour reprendre les biens spoliés. Il est utile de rappeler dans ce contexte que la Déclaration de politique générale du Gouvernement présentée au mois de septembre dernier, souligne sur ce chapitre que la justice algérienne a lancé 219 commissions rogatoires internationale dont 43 ont été exécutées. Elle a également évoqué l’instauration d’un comité d’experts chargé de gérer le dossier du recouvrement de ces fonds en coordination avec les représentations diplomatiques nationales. Le document mentionne aussi la mise en œuvre d’accords et d’instruments internationaux, tels que : le Réseau opérationnel mondial des autorités chargées de l’application des lois anticorruptions (GlobE Network) ; l’Unité de coopération judiciaire de l’Union européenne (Eurojust) ; et l’initiative pour le recouvrement des avoirs volés (StAR). Et bien que tous les moyens aient été mobilisés, le processus de peut s’avérer complexe, notamment lorsque la volonté de restituer ces avoirs fait défaut, malgré les grands discours et les déclarations d’intention tenus à propos de la lutte contre la corruption.
Lutte contre la corruption : une priorité
En parallèle, l’Algérie s’est armée d’une stratégie pour faire barrage aux tentatives de dissimulation et de transfert de fonds, mais aussi de prévention et de lutte contre la corruption. Benabderrahmane a, ainsi, relevé hier que la Stratégie nationale de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption, qui a fait l’objet de larges consultations nationales et internationales, « constitue l’une des lignes directrices qui seront adoptées au niveau des établissements publics, du secteur économique public et privé et de la société civile, toutes franges confondues, selon les mécanismes mis en place par cette stratégie conformément aux lois en vigueur, notamment la Constitution de 2020, la convention des Nations Unies contre la corruption, la loi 06-01 relative à la prévention et la lutte contre la corruption et la loi 22-08 fixant l’organisation, la composition et les attributions de la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption ». Cette stratégie nationale « sera désormais un document contraignant pour toutes les parties, dont il convient de suivre la mise en œuvre selon les indicateurs mesurables prévus en vertu des systèmes de suivi et d’évaluation accompagnant la stratégie pour la période 2023-2027, et ce, sous la supervision d’une instance nationale composée de divers acteurs officiels et partenaires sociaux, conduite par la présidente de la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption », a soutenu le Premier ministre. Il a également souligné que le Président Abdelmadjid Tebboune, « a accordé, depuis son élection, une grande importance à la moralisation de la vie publique et à la lutte contre la corruption, sous toutes ses formes, en témoigne la mise en œuvre de plusieurs engagements, notamment ceux relatifs au renforcement de la bonne gouvernance et à la réforme globale de la Justice pour en assurer l’indépendance et la modernisation, outre la promotion de la démocratie participative et la construction d’une société civile libre, intègre et active dans le cadre de l’édification d’une Algérie nouvelle fondée sur l’Etat de droit et consacrant la justice sociale, l’égalité et la démocratie participative, l’objectif étant de réaliser le bien-être et la prospérité du citoyen ». A cette occasion, il a rappelé « l’intérêt voué à la création de la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption et les larges prérogatives qui lui ont été conférées, l’habilitant essentiellement à mettre en place une stratégie nationale de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption ». A cet effet, M. Benabderrahmane a souligné que la Constitution de 2020 « a prévu plusieurs mesures et dispositions relatives à la prévention et à la lutte contre la corruption, conformément aux conventions internationales ratifiées par l’Algérie, et différents articles pertinents, dont ceux inhérents à la protection de l’économie nationale contre toute forme d’abus, la promotion du rôle de la société civile pour l’associer à la gestion des affaires publiques, l’obligation de déclaration des biens et la prévention des conflits d’intérêts, en veillant à ce que les fonctions et les mandats au sein des institutions de l’Etat ne soient pas une source d’enrichissement ni un moyen pour servir ses propres intérêts ». A ce propos, le Premier ministre a fait observer que le gouvernement « a inscrit la lutte contre la corruption et la moralisation de la vie socioéconomique au cœur de son plan d’action annuel, à travers la mise en place de réglementations et de procédures visant, directement ou indirectement, à assurer la transparence de la gestion des deniers publics, à bannir le népotisme et le clientélisme et à mettre la politique à l’abri de l’argent sale. Des acquis dont le président de la République a été l’initiateur, à travers ses décisions strictes, qui ont permis d’assainir l’action politique en l’éloignant de tout ce qui est susceptible de l’entacher ou de la détourner de sa vocation de faire prévaloir l’intérêt suprême du pays ».
Hocine Fadheli