Toxicomanie : Appel à la mise en place d’une stratégie nationale
Le président de l’académie algérienne de développement des sciences médicolégales, le Pr Rachid Belhadj, a appelé hier à la mise en place d’une stratégie nationale de lutte contre la toxicomanie et réduire les décès causés par overdose.
Les spécialistes avertissent régulièrement contre l’ampleur prise par le phénomène de consommation de drogue en Algérie. Invité à s’exprimer sur les ondes de la Radio algérienne, Le président de l’académie algérienne de développement des sciences médicolégales, le Pr Rachid Belhadj, a nouvelle fois tiré la sonnette d’alarme à ce propos.
« En tant que médecins légistes, cela fait presque une année et demi que nous alertons la tutelle et les pouvoirs publics sur ce phénomène inquiétant des décès des suites de consommation de drogues », a indiqué le P. Belhadj. Il ajoute que le fait qui est le plus regrettable est que dans la majorité des cas les décès par overdose concerne de très jeunes consommateurs qui ont entre 20, 22 ans et souligne que ce fléau touche toutes les franges de la société algérienne. « Les toxicomanes sont des étudiants, chômeurs ou jeunes travailleurs… Ce ne sont pas uniquement des sujets issus de milieux défavorisés », témoigne le légiste. « En tant que médecin et père de famille, il est de mon devoir d’attirer l’attention des pouvoirs publics afin de dégager une stratégie de lutte contre ce phénomène », affirme le spécialiste de la santé, qui s’inquiète car l’usage de drogue a changé en Algérie. « Avant, on recevait des patients pour usage de cannabis ou hachich, maintenant ce sont les drogues dures comme la cocaïne, l’héroïne et d’autres substances qui sont des mélanges de plusieurs produits, ou encore la prégabaline baptisée saroukh », relate le Pr Belhadj, avant d’ajouter : « la consommation de ces substances tue ». Le spécialiste s’inquiète de l’ampleur du phénomène, d’autant que, rappelle-t-il, « à nos frontières ouest se trouve un narco-Etat, premier producteur mondial de cannabis qui essaye d’inonder le marché algérien avec ces produits stupéfiants ». Pour rappel, selon les chiffres de l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie plus de 58 tonnes de résine de cannabis ont été saisies en Algérie durant l’année 2022, dont près deux tiers ont été effectuées dans les wilayas de l’Ouest du pays. Selon la même source, 33,18% des quantités saisies ont été enregistrées dans le Sud du pays, 4,79% dans l’Est et 3,16% dans le Centre. Le phénomène le plus inquiétant demeure cependant la montée en puissance des réseaux de trafic de psychotropes. Le rapport note également la saisie de plus de 11,3 millions de comprimés de substances psychotropes de différentes marques en 2022, soit une hausse de 115,50% par rapport à l’année 2021. Il faut dire que pour contrer le phénomène l’Algérie a adapté sa législation en renforçant les sanctions mais aussi en prévoyant des dispositions afin de garantir une meilleure prise en charge des toxicomanes. La nouvelle loi relative à la prévention et à la répression de l’usage et du trafic de stupéfiants et de substances psychotropes aggrave les sanctions contre toute personne impliquée dans le trafic, que ce soit les producteurs, les trafiquants, les consommateurs ou les agents publics et personnels de santé, avec des peines pouvant aller jusqu’à 30 ans de prison. Le texte prévoit également des dispositions en ce qui concerne la prévention, la sensibilisation et la prise en charge des toxicomanes et personnes souffrant de dépendance. De son côté, le ministère de la Santé mise sur la sensibilisation pour contrer le phénomène. Au mois de juin dernier, le ministre de la Santé, Abdehal Saihi a souligné que le trafic de stupéfiants ne cible plus les jeunes uniquement mais touche, également, le milieu scolaire, ce qui nécessite la conjugaison des efforts et la coordination avec tous les acteurs pour y faire face. Le ministre a fait état de tentatives d’introduction d’importantes quantités de drogue qui menacent la santé des jeunes, ce qui requiert, selon lui, l’accompagnement par la société civile et les médias de la stratégie nationale de lutte contre la toxicomanie. Il a ajouté qu’au vu de la spécificité de la prise en charge de ce phénomène et des toxicomanes, les centres de thérapie ont encore besoin d’un accompagnement permanent et de ressources humaines qualifiées.
Samir Benisid