Après les 22 morts dans les manifestations de mardi: Le président kenyan retire le projet de budget 2024-25
La foule a pris d’assaut le Parlement, saccageant et incendiant des bâtiments, dans une attaque inédite dans l’histoire du pays indépendant depuis 1963.
Le président kényan William Ruto a annoncé hier le retrait du projet de budget 2024-25 prévoyant des hausses de taxes, à l’origine d’une contestation dans le pays qui a sombré mardi dans une violence meurtrière. « Après avoir écouté attentivement le peuple kényan, qui a dit haut et fort qu’il ne voulait rien avoir à faire avec ce projet de loi de finances 2024, je m’incline et je ne promulguerai pas le projet de loi de finances 2024, qui sera par conséquent retiré », a déclaré William Ruto dans un discours au lendemain d’une journée de manifestation contre ce texte. « Après l’adoption du projet de loi, le pays a été témoin d’une large expression de mécontentement à l’égard du projet de loi tel qu’il a été adopté, qui a malheureusement entraîné des pertes de vies humaines et des destructions de biens », a ajouté le chef de l’Etat. Le vote du texte mardi par le Parlement, où le parti présidentiel Kenya Kwanza est majoritaire, a déclenché la colère des manifestants réunis non loin, à Nairobi, dans le cadre d’une troisième journée de contestation du texte en huit jours. La foule a pris d’assaut le Parlement, saccageant et incendiant des bâtiments, dans une attaque inédite dans l’histoire du pays indépendant depuis 1963. Le président a appelé à une concertation nationale. « Puisque nous nous sommes débarrassés du projet de loi de finances 2024, il est nécessaire d’avoir une conversation en tant que nation à l’avenir. (…) Comment gérer ensemble notre situation d’endettement ? (…) Je proposerai un engagement avec les jeunes de notre nation, nos fils et nos filles », a-t-il affirmé. Pour le gouvernement, ces mesures fiscales étaient nécessaires pour redonner des marges de manœuvre au pays, lourdement endetté (la dette publique représente environ 70% du PIB), et financer son ambitieux budget 2024-25 tablant sur 4.000 milliards de shillings (29 milliards d’euros) de dépenses, un record.
L’organisme officiel de défense des droits humains, la Kenya National Human Rights Commission (KNHRC), a recensé 22 morts dans le pays, dont 19 dans la capitale Nairobi, « plus de 300 blessés et plus de 50 arrestations », a indiqué sa présidente, Roseline Odede, en annonçant « ouvrir une enquête » sur ces morts. Les autorités n’ont donné aucun chiffre sur le nombre de victimes de cette troisième journée de mobilisation en huit jours contre le projet de budget 2024-25 prévoyant des hausses de taxes. Le texte voté mardi au parlement doit encore être promulgué par le président Ruto. Une des figures du mouvement de contestation antigouvernementale au Kenya a appelé à manifester à nouveau aujourd’hui de manière pacifique en mémoire des victimes. Les rassemblements contre les nouvelles taxes, principalement menés par des jeunes, avaient débuté la semaine dernière dans le calme, des milliers de manifestants défilant à Nairobi et dans d’autres villes du pays. La tension est brusquement montée mardi après-midi dans le centre de la capitale. Selon des ONG, dont la branche kényane d’Amnesty International, la police a tiré à balles réelles pour tenter de contenir la foule, qui a forcé l’entrée de l’enceinte du Parlement. Des bâtiments y ont été saccagés et partiellement incendiés. A Nairobi et dans plusieurs villes, la foule s’est également livrée à des pillages. Des bâtiments ont été incendiés à Eldoret, dans la vallée du Rift, fief du président William Ruto. R.I. avec agences