ContributionDébats

Les dix axes du redressement socio-économique

Par Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités et expert international

Les indicateurs macro-économiques sont au vert. Les derniers rapports du FMI et de la Banque mondiale montrent clairement que l’Algérie a d’importantes potentialités sous réserve de profondes réformes.

Les indicateurs macro-économiques sont au vert et l’Algérie bénéficie d’une relative aisance financière avec des réserves de change à fin 2023 d’environ 69 milliards de dollars, non compris les 173 tonnes d’or, une dette extérieure de 1,5% du PIB, une dette publique maîtrisable d’environ 49,50% du PIB, et en prévisions pour 2024, un PIB de 263 milliards de dollars et par tête d’habitant de 5720 dollars et un taux de croissance de 4,1%. Les derniers rapports du FMI et de la Banque mondiale montrent clairement que l’Algérie a d’importantes potentialités sous réserve de profondes réformes. Ils indiquent cependant que cette aisance financière est due en partie à l’importance des recettes des hydrocarbures qui procurent 98% des recettes en devises avec les dérivés inclus dans la rubrique hors hydrocarbures pour 65% (source statistiques douanières 2023). La situation demeure stable sur le plan macro-économique, dans un contexte économique mondial incertain. Cependant, les défis restent importants. Il est important de souligner que l’Algérie aura besoin d’un taux de croissance de 7 à 8% sur plusieurs années afin d’absorber un flux additionnel de demandes d’emplois entre 350.000 et 400.000 emplois nouveaux par an du fait de la forte pression démographique – L’Algérie comptait 46,30 millions d’habitants au 1er janvier 2024 – avec une croissance démographique de 1,42%. Ce qui souligne la nécessité de dynamiser l’appareil de production hors hydrocarbures afin de réduire le taux de chômage et le taux d’inflation qui ont dépassé en 2023 10% avec une relative baisse en 2024 afin de lutter contre la détérioration du pouvoir d’achat malgré l’importance des transferts sociaux qui ne peuvent qu’être transitoires, ayant totalisé plus de 5000 milliards de dinars en 2023 soit au cours de 134 dinars un dollar 37,31 milliards de dollars avec un accroissement en 2024, et un assainissement des entreprises publiques qui selon les données du Premier ministère – source APS – ont coûté au Trésor 250 milliards de dollars durant les trente dernières années à fin 2020 et ces assainissements ont continué entre 2021/2023, plus de 80% de ces entreprises étant revenues à la case de départ. Aussi, il devient urgent de relancer la machine économique sur de nouvelles bases, autour de dix axes directeurs supposant une vision stratégique au sein des filières mondiales, internationalisées et de définir avec précision, les missions des institutions et la mise en œuvre de projets : délais, coûts, moyens humains et modes de financement en devises et en dinars, en incluant la protection de l’environnement.

Le premier axe est de mettre en œuvre une politique s’orientant vers un véritable processus démocratique, une économie de marché concurrentielle à finalité sociale, conciliant efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale , avec un Etat régulateur et non gestionnaire, se fondant sur une société plurielle plus participative des partis politiques crédibles, permettant la responsabilisation pleine et entière de la société civile, signe évident de la vitalité de toute société, conciliant la modernité et la préservation de notre authenticité

Le second axe est la sécurité et la paix sociale que connaît l’Algérie grâce aux efforts de l’ANP et de toutes les forces de sécurité et avec les tensions géostratégiques tant aux frontières qu’au niveau mondial. Cela implique une nouvelle approche des relations internationales, où les ambassades dé-bureaucratisées doivent servir d’appui aux actions internes

Le troisième axe est de mettre en place un minimum de Smig social où les différentes sensibilités puissent dialoguer dans un cadre organisé se fondant sur la tolérance et le droit à la différence. L’administration centrale et locale doit être rénovée en mutant progressivement les services collectifs qui deviennent de plus en plus créateurs de valeur ajoutée (éducation, santé, télécommunication, transports, infrastructures), en introduisant les paramètres marchands pour tester leur efficacité, tout en encourageant la mixité pour améliorer les prestations fournies aux consommateurs.

Le quatrième axe, est la refonte des institutions centrales et locales liée à la bonne gouvernance, une nouvelle politique d’aménagement du territoire et de l’urbanisation, par une réelle décentralisation (six à sept grands pôles régionaux) et la création de grands Ministères, dont l’urgence d’un grand ministère d’Etat de la planification stratégique, un grand ministère de l’Economie et de l’Education nationale avec pour objectif un développement équilibré et solidaire , la lutte contre la bureaucratie centrale et locale néfaste qui bloque les projets créateur de valeur ajoutée , qui enfante la sphère informelle et donc la corruption

Le cinquième axe , fondement de tout le processus de développement, il s’agit de donner le primat à la connaissance, évitant l’exode de cerveaux, devant avoir une autre politique vis-à-vis de notre diaspora à travers des partenariats intelligents, une Nation sans son élite étant comme un corps sans âme. Cela renvoie à une nouvelle politique de l’emploi de formation adaptée aux nouvelles technologies, réduire les inégalités sociales et revoir le système fiscal par la combinaison de l’équité verticale et horizontale et la politique des subventions ciblées inter socioprofessionnelle et inter régionale

Le sixième axe, est un nouveau management stratégique de Sonatrach, lieu de production de la rente, principale source de financement , dont les recettes doivent être orientées vers le développement d’une économie productive de projets créateurs de valeur ajoutée et pas seulement comme par le passé en favorisant l’importation. Car si les projets structurants sont mis en œuvre début 2025, pour les PMI/PME, la rentabilité ne se fera pas avant trois années et pour les grands projets, pas avant 7/8 ans.

Le septième axe est la réforme du système financier public, lieu de distribution à plus de 90% de la rente dans toute sa composante ( douane, banques, fiscalité, domaine) dont la dynamisation de la bourse des valeurs, enjeu énorme de pouvoir, avec un tableau de la valeur relié aux réseaux internationaux pour détecter les surfacturations, avec l’accélération de sa numérisation, d’améliorer le fonctionnement des marchés et des initiatives par l’amélioration du climat des affaires. Pour cela s’impose une politique incitative d’encadrement macro-économique et macro social solidaires et loin des discours, avoir une nette volonté politique d’aller vers une économie de marché à finalité sociale La nouvelle politique économique doit être marquée par l’adaptation à l’universalisation de l’économie de marché, tenant compte des spécificités sociales, où la dominance est le consommateur et l’arbitre, les marchés financiers

Le huitième axe est la restructuration des capitaux marchands de l’Etat, évitant ces assainissements et réévaluations à répétions, dépénaliser l’acte de gestion pour permettre aux managers de prendre des risques, à ne pas confondre avec la corruption, favoriser le partenariat public privé, PPP ? la privatisation partielle et totale, l’accélération de la transition numérique et énergétique (efficacité énergétique et énergies renouvelables). L’on devra imaginer une nouvelle politique non de l’industrie, mais de l’entreprise, loin des anciennes organisations hiérarchiques bureaucratiques dépassées mais sur la souplesse des organisations, basées sur les réseaux, grâce aux nouvelles technologies par la décentralisation des décisions économiques, à travers la gestion prévisionnelle des compétences et le travail en groupes.

Le neuvième axe, aucun pays de par le monde n’ayant une autosuffisance alimentaire à 100%, est de garantir un minimum de sécurité alimentaire, une nouvelle politique agricole axée sur une nouveau modèle de consommation alimentaire économisant l’eau douce, qui deviendra de plus en plus rare, et cela concerne la majorité des pays et pas seulement l’Algérie, sur la préservation des meilleures terres qui sont au Nord, la mise en valeur des terres et des hauts plateaux du Sud. L’Algérie étant un pays semi-aride, une nouvelle politique de l’eau s’impose par une lutte contre les fuites dans les canalisations, développer le goutte à goutte dans l’agriculture, le dévasement des barrages par un entretien régulier et l’accélération de la construction d’unités de dessalement de l’eau de mer, étant prévu par l’ONU ; une sécheresse en Afrique du Nord entre 2025/2030.

Le dixième axe, le taux de croissance ayant une signification limitée, il s’agit d’améliorer l’indice du développement humain comme le recommande le PNUD dont la santé et l’éducation. Concernant la maladie qui évolue en fonction de plusieurs facteurs, l’environnement (par exemple la pollution et les effets psycho sociologiques avec des dépressions), la sous-alimentation, il s’agit de revoir la gestion du système de santé, ayant de très bons professeurs de médecine dans toutes les spécialités, mais évoluant dans un environnement contraignant, devant avoir une vision globale car se trouvant au carrefour de plusieurs départements ministériels, y compris la production du matériel et des médicaments.

En conclusion, le véritable patriotisme à ne pas confondre avec le nationalisme chauviniste, se mesurera par la capacité des Algériens d’améliorer leur niveau de vie grâce à leur contribution à la valeur ajoutée locale et mondiale. L’objectif pour un développement durable est de redonner confiance sans laquelle aucun développement ne peut se faire. Le temps ne se rattrapant jamais en économie, tout en évitant la sinistrose gratuite, les défis 2025/2030 pour l’Algérie sont une véritable stratégie d’adaptation pour une rapide relance économique à ce monde turbulent et instable, supposant de profondes réformes et faire de l’Algérie un pays pivot, régional, elle en a les potentialités, afin de faire face aux tensions sociales internes et des incidences sécuritaires et géostratégiques au niveau de la région africaine et méditerranéenne.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *