Après cinq ans de silence : Les Aurès retrouvent leur Forum culturel
Batna retrouve l’effervescence littéraire. Après cinq longues années d’absence, le Forum culturel Aurésien a fait son grand retour, ravivant la flamme intellectuelle de cette région riche en histoire et en talents. L’événement, organisé par l’Association des « Amis d’Imedghassen », a trouvé un écrin de choix dans l’auditorium du Centre de recherche scientifique de l’Université Mostefa-Benboulaïd, rassemblant un public passionné d’écrivains, d’artistes et d’amoureux des lettres.
Au cœur de cette renaissance culturelle, un ouvrage posthume a captivé l’attention : « Impressions Aurésiennes d’un fils d’Amentane » de Saïd Merzougui. Décédé en 2020 à l’âge de 80 ans, cet ancien professeur de physique a laissé derrière lui un héritage littéraire précieux, témoignage vibrant de son amour pour sa terre natale. » En effet, l’ouvrage se lit comme une promenade poétique à travers le temps et l’espace aurésiens. Merzougui y brosse le portrait de figures emblématiques qui ont marqué l’histoire locale : le Cheikh réformiste Omar Dardour, dont la sagesse résonne encore dans les mosquées de la région ; le Dr Belkacem Hamdiken, moudjahid et médecin dévoué qui a soigné tant de corps et d’esprits pendant la guerre d’indépendance ; ou encore les artistes plasticiens Abderrahmane Tamine et Cherif Merzougui, frère de l’auteur, dont les toiles ont su capturer l’essence même des paysages aurésiens. « Saïd Merzougui était un homme aux multiples facettes », témoigne Kamel Guerfi, organisateur du Forum et ami de longue date de l’auteur. « Enseignant, administrateur, écrivain… mais par-dessus tout, il était un amoureux inconditionnel de sa terre. Ce livre est le fruit de cette passion dévorante. » Le professeur Nabil Benmeziane, responsable du département de Langue et de littérature françaises à l’université Batna 2, souligne la richesse linguistique de l’œuvre : « Merzougui manie la langue française avec une élégance rare. Ses descriptions d’Amentane, son village natal, sont d’une précision chirurgicale, mais empreintes d’une poésie qui vous transporte instantanément sur les hauteurs des Aurès. » Amentane, niché dans la commune de Tigharghar, occupe en effet une place centrale dans l’ouvrage. Ce hameau perché, avec ses maisons de pierre accrochées à flanc de montagne, ses ruelles sinueuses et ses habitants au caractère bien trempé, prend vie sous la plume de Merzougui. On y sent presque le parfum des genévriers et le souffle du vent qui balaye les hauts plateaux. « C’est un véritable travail de mémoire », explique Leila Mebarki, anthropologue spécialiste de la région. « À travers ses souvenirs personnels, Merzougui dresse un portrait saisissant de la société aurésienne du milieu du XXe siècle. Les traditions, les fêtes, les conflits, les espoirs… tout y est consigné avec une précision d’orfèvre. »
Le Forum culturel Aurésien ne s’est pas contenté de célébrer la sortie de ce livre. Il a également été l’occasion de réfléchir sur l’avenir culturel de la région. Des tables rondes animées ont permis d’aborder des sujets aussi variés que la préservation du patrimoine immatériel, le développement de l’édition locale ou encore la place des jeunes auteurs dans le paysage littéraire aurésien.
L’Association des « Amis d’Imedghassen », dont Saïd Merzougui était l’un des membres fondateurs, a promis de pérenniser l’événement. « Nous voulons faire de ce Forum un rendez-vous incontournable de la vie culturelle algérienne », affirme Kamel Guerfi. « Les Aurès ont tant à offrir, tant à dire. Il est temps que notre voix porte au-delà de nos montagnes. » Dans l’air frais du soir, on pouvait presque entendre l’écho lointain des vers du poète chaoui Aissa Djermouni : « Ô Aurès, terre de mes ancêtres, tu es la fierté de notre histoire, le phare de notre avenir. » Le Forum culturel Aurésien, tel un nouveau chapitre de cette histoire millénaire, ne fait que commencer.
Mohamed Seghir