Dispositions fiscales : Ce qui doit changer
Le projet de loi de finances 2025 marque une étape importante dans la politique fiscale. Selon le fiscaliste Boubekeur Sellami, les nouvelles dispositions s’inscrivent dans la droite ligne de l’engagement présidentiel de ne pas imposer de nouvelles taxes en 2025, tout en visant à « booster le pouvoir d’achat du citoyen et l’économie nationale ».
La disposition phare du PLF 2025 concerne la refonte de l’Impôt Forfaitaire Unique (IFU). Comme l’explique Sellami, dans une intervention sur les ondes de la Radion algérienne, l’IFU « a eu un coût très fort en 2015 car il était devenu un impôt déclaratif pour toutes les franges de la société, et ce quels que soient leurs activités ». La nouvelle mouture prévoit désormais que « l’IFU soit basé sur un contrat sur l’administration fiscale et le contribuable ». Un changement significatif intervient également dans son application. Un changement significatif intervient également dans le périmètre d’application de l’IFU. À partir de janvier 2025, certaines activités particulièrement lucratives seront exclues de ce régime fiscal pour être soumises au régime réel basé sur le chiffre d’affaires effectif. « À partir de janvier 2025, certaines activités seront soumises au chiffre d’affaires du réel et non du déclaratif », précise l’expert, citant notamment « les salles des fêtes, la location de voitures, la location de matériels et d’autres activités qui génèrent des bénéfices mais qui échappent au régime fiscal réel ».
L’analyse révèle une anomalie majeure dans le système actuel. Selon Sellami, « l’IFU ne représente qu’un pour cent (01%), ce qui est très faible, alors que le nombre de contribuables est de 80%. Autrement dit, 80% des contribuables ne participent qu’à hauteur d’un pour cent (01%). Ce n’est pas normal ! » Pour corriger cette situation, « on a décidé d’augmenter le minimum d’imposition de 10 000 DA à 30 000 DA à partir de janvier prochain, à l’exception de l’auto-entrepreneur ».
Concernant l’élargissement de l’assiette fiscale, le constat est sans appel : « l’administration fiscale n’a pas encore les moyens d’exercer cette tâche », affirme Sellami. Il explique que « nous avons un tissu économique très important et nous avons énormément de contribuables répartis sur les 58 wilayas. Je pense que la fiscalité ordinaire est encore faible pour pouvoir couvrir toutes nos dépenses ».
Pour l’Impôt sur la Fortune (ISF), Sellami souligne que « l’administration fiscale a besoin d’un fichier national qui documente les propriétés et d’évaluation, des informations précises qui concernent les propriétaires ». Il se montre optimiste : « avec la numérisation, il va y avoir un fichier pour mettre en œuvre cet impôt de manière efficace à partir de 2025 », tout en reconnaissant que « son application sur le terrain est encore faible alors qu’il peut apporter un plus au trésor public ».
Sur la question de l’IRG, la position est claire : « il était difficile de revoir l’IRG à la baisse. Moi, je préfère une hausse des salaires, car les deux visent à améliorer le pouvoir d’achat et ça revient au même pour le Trésor public ». Sellami rappelle qu' »on ne touche pas à un impôt qui génère 2 000 milliards de dinars chaque année, sachant que 50% de la fiscalité ordinaire provient de l’IRG ».
Le fiscaliste déplore que « les salariés payent beaucoup plus que les autres contribuables, comme ceux qui exercent les activités commerciales ». Il explique ce déséquilibre par « une règle dans l’IRG, à savoir la retenue à la source. C’est un impôt stable et alimente les recettes, mais si on arrive à trouver un autre artifice fiscal, on pourra encore revoir à la baisse l’IRG ».
Pour l’avenir, Sellami est clair : « si nous procédons à la réforme fiscale et si nous élargissons l’assiette fiscale, avec le changement de l’IFU, pour apporter de la fiscalité à au moins 30 ou 40% des recettes fiscales globales, on pourra procéder à la révision de l’IRG ». Il suggère qu' »il faut améliorer le pouvoir d’achat avec d’autres moyens, comme la hausse de la fiscalité d’autres contribuables et la révision de certaines amendes qui n’ont pas été révisées depuis plus de 20 ans ».
Enfin, le fiscaliste insiste sur la nécessité de « lier la fiscalité à la dynamique économique et non aux changements de la loi de Finances pour avoir une stabilité juridique à long terme et pour gagner la confiance des investisseurs ». Cette approche permettrait d’assurer une plus grande prévisibilité et de renforcer la confiance des acteurs économiques.
Hakim Aomar