Maroc : la poudrière !
Le royaume chérifien traverse une période particulièrement trouble, marquée par une conjonction explosive de crises économiques, sociales et politiques qui menacent sa stabilité.
La mobilisation massive annoncée par l’Union nationale du travail au Maroc (UNTM) aujourd’hui devant le Parlement à Rabat cristallise les multiples tensions qui traversent le Maroc et la rupture entre les Marocains et le régime du Makhzen. Cette nouvelle manifestation, placée sous le signe de la lutte contre la détérioration du pouvoir d’achat, s’inscrit dans un contexte de profonde dégradation des conditions de vie qui touche une part croissante de la population. Les chiffres publiés par le Haut-Commissariat au Plan dressent un tableau alarmant de la situation sociale : le nombre de Marocains vivant dans la pauvreté absolue a plus que doublé en trois ans, passant de 623 000 en 2019 à 1,42 million en 2022, soit une hausse moyenne annuelle de 34%. Plus inquiétant encore, la précarité économique frappe désormais 4,75 millions de personnes, contre 2,6 millions en 2019, représentant une augmentation annuelle moyenne de 23,6%. Cette paupérisation accélérée se manifeste par une flambée des prix sans précédent, certains produits ayant vu leur coût augmenter jusqu’à 200%, y compris les produits de première nécessité pourtant subventionnés comme le gaz. L’incapacité du gouvernement à gérer efficacement les dossiers sociaux et économiques critiques ne fait qu’aggraver la crise, notamment dans des secteurs essentiels comme l’éducation, la santé, la justice et l’agriculture. Le désespoir atteint un tel niveau que le pays a été témoin de tentatives d’émigration massive de mineurs et de jeunes, comme l’illustre l’événement marquant du 15 septembre 2024 à Fnideq, qualifié de « honte sans précédent » par l’UNTM. Ce phénomène traduit le profond malaise d’une jeunesse qui ne voit plus d’avenir dans son propre pays. Face à cette situation explosive, le Makhzen répond par l’intensification de la répression. L’Espace marocain des droits humains dénonce une violation flagrante des droits fondamentaux garantis par la Constitution et les traités internationaux, pointant du doigt les graves reculs en matière de droits humains documentés tant par les rapports gouvernementaux que par les organisations internationales et onusiennes. La répression s’est particulièrement illustrée lors des manifestations d’étudiants en médecine, brutalement réprimées, avec de nombreux jeunes manifestants traînés devant les tribunaux sous des accusations aussi graves que la « rébellion ». Cette situation critique reflète l’échec des politiques publiques et l’incapacité du régime à répondre aux besoins essentiels de sa population, dans un contexte où la corruption et les conflits d’intérêts ne cessent de croître. À ces tensions sociales et économiques s’ajoute une contestation grandissante de la politique de normalisation avec l’entité sioniste.
Expropriations et colonies sur le sol marocain
Des dizaines de milliers de Marocains descendent régulièrement dans la rue pour exprimer leur rejet de la trahison du régime marocain envers la cause palestinienne. Les manifestants, brandissant des drapeaux palestiniens et des keffiehs, scandent des slogans tels que » la normalisation est une trahison » et « Le peuple veut la chute de la normalisation ». Ce mouvement de protestation, qui touche l’ensemble du pays, d’Agadir à Nador en passant par Casablanca, traduit un profond décalage et la rupture entre le pouvoir et les aspirations populaires. Les manifestants considèrent que la normalisation officielle représente non seulement une trahison des droits des Palestiniens mais contribue également à légitimer une entité accusée de crimes de guerre. La mobilisation est particulièrement forte dans le milieu universitaire, où l’Union nationale des étudiants marocains rapporte avoir organisé plus de 400 manifestations dans environ 40 établissements universitaires. Certains activistes dénoncent même une campagne d’expropriation visant à « indemniser » des juifs ayant quitté le Maroc depuis plusieurs générations pour s’installer dans les territoires palestiniens occupés, certains évoquant des projets d’installation de « colonies » sur le sol marocain. Face à cette situation explosive, l’UNTM appelle le gouvernement à réorienter le dialogue social et à travailler à la réglementation du paysage syndical, dans l’objectif d’adopter des lois et des pratiques optimales pour renforcer les organisations syndicales tout en préservant leur indépendance. Cependant, l’absence de réponses efficaces du gouvernement et la persistance des politiques ayant conduit à cette crise laissent présager une intensification des tensions. Le fossé grandissant entre une élite privilégiée et une population de plus en plus précarisée nourrit un mécontentement social qui pourrait avoir des conséquences majeures pour la stabilité du royaume. La multiplication des mouvements de protestation et l’élargissement de leur base sociale indiquent que le Maroc traverse une période particulièrement sensible, où les revendications pour la justice sociale et économique se font de plus en plus pressantes, tandis que la politique de normalisation avec l’entité sioniste continue d’alimenter la colère populaire.
Lyes Saïdi