Chantage, espionnage, pressions diplomatiques et répression: Le Makhzen au banc des accusés
L’arrestation récente d’un éminent activiste marocain des droits de l’homme met en lumière les méthodes controversées qu’utilise le Maroc pour obtenir des concessions diplomatiques sur le dossier du Sahara occidental. Cette affaire s’inscrit dans un contexte plus large où s’accumulent les indices de manœuvres illégales combinant espionnage, chantage et pressions pour influencer les positions européennes sur ce dossier qui reste celui de la décolonisation de la dernière colonie d’Afrique. L’interpellation de l’économiste et militant Abdelmoumni intervient dans un timing particulièrement significatif : durant la visite officielle d’Emmanuel Macron au Maroc. Son « crime » ? Avoir dénoncé publiquement le « chantage » exercé par le Makhzen sur Paris. Dans ses publications sur les réseaux sociaux, l’activiste pointait notamment l’utilisation par le Maroc de leviers comme l’espionnage et le contrôle des flux migratoires pour faire pression sur la France.
L’affaire Pegasus de 2021 reste centrale dans la compréhension des relations franco-marocaines actuelles. Les révélations d’Amnesty International et Forbidden Stories avaient établi que les services marocains ont utilisé ce logiciel espion israélien pour surveiller de nombreuses personnalités, dont le président Macron lui-même. Selon plusieurs médias, l’impact psychologique de cette révélation sur le président français aurait été considérable, le décrivant comme « profondément touché » par cette violation de sa vie privée. Cette surveillance ne se limitait pas à Macron : son Premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, ainsi que quatorze autres membres du gouvernement figuraient parmi les cibles potentielles. L’ampleur de cette opération d’espionnage soulève des questions sur la nature des informations qui auraient pu être obtenues. Le cas français n’est pas isolé. Un scénario similaire s’était déroulé en Espagne, où l’épouse du Premier ministre Pedro Sanchez aurait également été ciblée par Pegasus. Le revirement spectaculaire de Madrid sur la question du Sahara occidental, abandonnant sa position historique de neutralité pour soutenir le « plan d’autonomie » marocain, avait alors suscité de vives critiques internes, certains parlant de « catastrophe diplomatique ». Trois ans après le scandale Pegasus, les tensions franco-marocaines semblent mystérieusement s’être apaisées, au prix d’importantes concessions diplomatiques et économiques. Le soutien récent de Macron à la prétendue « souveraineté » marocaine sur le Sahara occidental marque une rupture historique avec la traditionnelle neutralité française sur ce dossier. Ce revirement s’accompagne d’un rapprochement économique massif, impliquant des investissements de plusieurs milliards d’euros. L’arsenal de pression marocain ne se limite pas à l’espionnage. L’utilisation stratégique de la question migratoire, la coopération sécuritaire, et les leviers économiques font partie d’une approche globale visant à obtenir des soutiens diplomatiques sur la question du Sahara occidental. L’arrestation d’Abdelmoumni illustre également l’utilisation de la répression interne comme moyen de faire taire les voix critiques qui pourraient exposer ces pratiques.
Ce positionnement français suscite des interrogations croissantes. Comme le souligne Le Monde, Paris n’aurait aucun intérêt stratégique à « tout miser sur le Maroc, un pays à la gouvernance parfois erratique, à l’oligarchie prédatrice, fragilisé par ses inégalités sociales abyssales ». Le risque d’isolement diplomatique se profile pour la France, dont l’attachement aux principes de souveraineté des peuples et du droit international est désormais questionné.
L’arrestation d’Abdelmoumni s’inscrit aussi dans une tendance plus large de répression des voix critiques au Maroc. Ancien prisonnier politique devenu coordinateur de l’Association marocaine de soutien aux prisonniers politiques, il avait déjà fait l’objet de diverses formes d’intimidation, notamment la diffusion d’une vidéo privée filmée secrètement dans sa maison. L’accumulation des preuves démontre la nature criminelle du régime marocain qui combine espionnage technologique, pressions diplomatiques et répression intérieure pour tenter de faire avancer ses intérêts sur le dossier du Sahara occidental.
Hocine Fadheli