Retour de Trump à la Maison-Blanche : Quels impacts sur les marchés du pétrole et du gaz ?
L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis la semaine dernière a déjà commencé à secouer les marchés de l’énergie. Entre promesses de dérégulation et menaces de guerre commerciale, le secteur pétrolier et gazier s’apprête à vivre une période de profonds changements. Analyse des principaux enjeux et défis qui attendent le secteur énergétique mondial.
Les marchés financiers ont immédiatement salué la victoire de Donald Trump. La Bourse de New York a ainsi poursuivi sa course aux records, ses trois indices vedettes atteignant de nouveaux sommets historiques. Le S&P 500 a brièvement dépassé les 6.000 points tandis que le Dow Jones franchissait la barre des 44.000 points, réalisant leur meilleure progression hebdomadaire en pourcentage depuis un an. Cette euphorie boursière s’explique par les attentes des investisseurs qui tablent sur un allègement de la réglementation, une baisse de l’impôt sur les sociétés et une augmentation des fusions-acquisitions sous la nouvelle administration Trump. Comme le souligne Jim Cramer, commentateur sur CNBC, « Donald Trump est un ami des actions », contrairement à son prédécesseur Joe Biden. « Nous avons plus d’or liquide que n’importe quel pays au monde », a déclaré Trump dans son discours de victoire, donnant le ton de sa future politique énergétique. Selon Warren Patterson, responsable de la stratégie des matières premières chez ING, les producteurs américains de pétrole et de gaz s’attendent à une rationalisation des processus d’autorisation liés à l’extraction et à la distribution de combustibles fossiles. Cependant, comme le note l’analyste d’ING, la croissance potentielle de la production restera largement dictée par les prix. « Les producteurs de pétrole ont besoin de 64 USD/bbl pour forer un nouveau puits de manière rentable », rappelle-t-il, alors que les prix à terme pour 2025 et 2026 oscillent autour de 70 USD/bbl et 67 USD/bbl respectivement. L’une des principales évolutions attendues concerne l’exploitation des terres fédérales. Selon l’analyse de SP Global, Trump devrait élargir les opportunités de baux offshore et sur les terres fédérales. Pour rappel, en 2023, la production pétrolière sur ces terres représentait environ 26% de la production totale américaine en incluant l’offshore. Les chiffres sont éloquents : durant les trois premières années du mandat de Trump, plus de 4.000 nouveaux baux avaient été délivrés, contre seulement 1.400 sous Biden. Une différence qui illustre le changement radical d’approche entre les deux administrations.
Le GNL, entre opportunités et risques géopolitiques
Le secteur du gaz naturel liquéfié (GNL) pourrait connaître d’importantes évolutions. Trump a promis de lever la pause imposée par Biden sur les permis d’exportation de GNL. Selon SP Global, cette décision pourrait toutefois exposer ces projets à des risques juridiques et réglementaires. Les enjeux sont considérables : en 2023, les revenus des exportations américaines de GNL dépassaient les 30 milliards de dollars, dont deux tiers étaient destinés à l’Europe. Un marché crucial que la nouvelle administration devra préserver.
L’incertitude commerciale représente cependant un risque majeur pour les prix de l’énergie. Warren Patterson d’ING anticipe que Trump pourrait se tourner vers le commerce fin 2025/début 2026, après s’être d’abord concentré sur les questions internes. Le précédent de 2018 est dans tous les esprits : lors de la guerre commerciale avec la Chine, les acheteurs chinois avaient évité le pétrole brut américain, entraînant un élargissement significatif de l’écart entre WTI et Brent. La Chine avait également imposé des tarifs de rétorsion sur le GNL américain, faisant chuter les exportations à zéro. Les risques se posent aussi pour les marchés européens qui se verraient imposer de nouveaux tarifs. Et Ursula Van der Leyen, la présidente de la Commission européenne a d’ailleurs suggéré que l’une des manières d’éviter que Trump n’exécute ses menaces de tarifs et d’acheter plus de GNL US. Cela préfigure des changements importants sur le marché gazier européen.
L’impact le plus significatif d’une présidence Trump pourrait venir de sa position envers l’Iran. « Le risque haussier pour le marché pétrolier est que Trump adopte à nouveau une position ferme contre l’Iran et applique strictement ces sanctions », analyse Patterson. Une telle décision pourrait retirer plus d’un million de barils par jour du marché pétrolier, effaçant l’excédent prévu pour 2025 et poussant les prix du Brent au-delà des 72 USD/bbl.
Selon l’analyse de SP Global, un second mandat de Trump devrait entraîner égaleme,-nt un retrait de l’Accord de Paris sur le climat. Le président a également promis de renverser ce qu’il appelle « l’escroquerie verte » – la Loi sur la réduction de l’inflation de 2022, qui avait alloué 370 milliards de dollars à l’énergie et au climat. Cependant, certains aspects de la transition énergétique semblent mieux protégés. SP Global note que l’industrie nucléaire continue de bénéficier d’un soutien bipartite, tandis que les crédits d’impôt pour les technologies réduisant les émissions des sources d’énergie traditionnelles pourraient être moins menacés. En définitive, le retour de Trump à la Maison-Blanche promet de redessiner profondément le paysage énergétique mondial. Entre dérégulation du secteur pétrolier et gazier, risques de guerre commerciale et remise en cause de la transition énergétique, les marchés de l’énergie s’apprêtent à entrer dans une nouvelle ère d’incertitudes et d’opportunités.
Hakim Aomar