Culture

SILA 2024 : Des enjeux de la transmission de la mémoire

Le 27e Salon International du Livre d’Alger (SILA), qui célèbre cette année le 70e anniversaire du déclenchement de la Guerre de libération nationale sous la bannière « Lire pour triompher », a accueilli deux conférences ce week-end sur la transmission de l’histoire et la mémoire de la Révolution algérienne.

La première conférence, qui s’est tenue vendredi dans la grande salle de la Safex, a réuni deux figures importantes du ministère des Moudjahidine et des Ayants droit : Hocine Abdessettar, directeur du Centre national des études et des recherches sur le mouvement national et la Révolution du 1er Novembre (CNERMN 54), et Lyès Naït Kaci, directeur du Musée national « El Moudjahid ». Sous l’intitulé évocateur « Mémoire et majesté de la Révolution, entre gage de fidélité et durabilité de la construction », les deux conférenciers ont mis l’accent sur un enjeu crucial : la nécessité de transmettre l’histoire de la Révolution de Novembre 1954 aux jeunes générations à travers des approches pédagogiques innovantes et adaptées. Pour Hocine Abdessettar, l’enjeu est double : il s’agit non seulement de redonner à l’histoire toute sa dimension dans la société à travers un enseignement de qualité, mais aussi de s’appuyer sur des méthodes pédagogiques nouvelles qui prennent en compte deux facteurs essentiels – la connaissance et l’identité. Ces éléments sont, selon lui, déterminants pour susciter l’intérêt des jeunes et de la société dans son ensemble.

Dans un monde dominé par le numérique et les réseaux sociaux, Lyès Naït Kaci a souligné l’importance d’adapter les méthodes de transmission de l’histoire. « Notre Révolution a inspiré tous les peuples du monde en quête de liberté », a-t-il rappelé, insistant sur l’importance de transmettre aux nouvelles générations le récit de la résilience du peuple algérien et de la bravoure des combattants du Maquis. Cette transmission doit, selon lui, tenir compte des mentalités de la jeunesse contemporaine. L’objectif est ambitieux : faire de la jeunesse algérienne « le premier rempart qui garantisse la cybersécurité de l’Algérie contre toute attaque malveillante ». Les deux conférenciers ont d’ailleurs recommandé l’utilisation des nouvelles technologies et des techniques numériques pour rendre l’histoire plus accessible aux jeunes générations.

Le front éditorial, une arme de résistance

Dans une seconde conférence, l’éditeur suisse et militant anticolonialiste Nils Andersson a apporté un éclairage particulier sur le rôle crucial du front éditorial pendant la Guerre de libération. Selon lui, l’édition a constitué une véritable « tribune » pour dénoncer les tortures coloniales et la colonisation elle-même. Andersson, qui a été décoré en 2013 de la médaille « Achir » du mérite national pour son soutien à la Révolution, a souligné que le choix de l’édition comme moyen de résistance avait été mûrement réfléchi par les dirigeants du FLN. Face à une presse écrite et une radio étroitement contrôlées par les autorités coloniales, le livre présentait l’avantage de pouvoir circuler clandestinement, même lorsqu’il était officiellement saisi. L’éditeur suisse, qui a notamment publié en 1958 « La question » d’Henri Alleg (ouvrage interdit en France) dénonçant la torture, a rappelé que ce front éditorial, impossible à maintenir en Algérie en raison de la répression et de la censure, s’était révélé un instrument précieux pour faire connaître la cause algérienne à l’étranger.

Les interventions ont également souligné l’impact considérable de la Guerre de libération nationale sur les autres peuples colonisés. Nils Andersson n’a pas hésité à la qualifier de « plus importante lutte de libération du XXe siècle », soulignant ainsi sa portée historique et universelle. Cette édition du SILA, qui s’est achevée hier après une intense activité intellectuelle, aura donc permis de mettre en lumière les multiples facettes de la transmission de la mémoire révolutionnaire. Avec la participation de 1007 maisons d’édition issues de 40 pays, dont l’État du Qatar en invité d’honneur, le salon aura été un lieu privilégié pour réfléchir aux moyens de perpétuer cette mémoire tout en l’adaptant aux enjeux contemporains. Ce 27e SILA aura démontré que 70 ans après son déclenchement, la Révolution algérienne continue d’inspirer les réflexions sur la transmission de l’histoire et la préservation de la mémoire collective.

Mohand Seghir

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