Me Manuel Devers: L’inclusion du Sahara Occidental dans de nouveaux accords UE-Maroc « pas possible »
L’inclusion du Sahara Occidental dans de nouveaux accords entre l’UE et le Maroc après les derniers arrêts de la Cour de justice de l’Union (CJUE) qui a annulé définitivement deux accords commerciaux conclus en 2019 n’est plus possible, a affirmé Me Manuel Devers, qualifiant la décision de la Cour de « séisme juridique ». « Ce n’est pas possible. Certes, ces arrêts posent pour les dirigeants européens un problème politique. Mais comme la Cour leur rend service dans 90% des cas, ils ne vont pas la démanteler juste parce qu’elle a rendu une décision défavorable au Royaume du Maroc », a-t-il déclaré dans un entretien au site espagnol « El Independiente » en réponse à une question sur l’existence d’une possibilité de nouveaux accords bilatéraux entre le Maroc et les Etats membres incluant les territoires sahraouis. Le 4 octobre, la CJUE a invalidé définitivement deux accords commerciaux conclus entre l’UE et le Maroc en 2019 sur la pêche et l’agriculture. La haute juridiction européenne a conclu que ces accords, « auxquels le peuple du Sahara occidental n’a pas consenti, ont été conclus en méconnaissance des principes de l’autodétermination et de l’effet relatif des traités ». Dans un autre arrêt, la Cour a souligné la nécessité que l’indication du pays d’origine qui doit figurer sur les melons et les tomates importés dans l’UE, « ne peut désigner que le seul Sahara occidental, puisque ces produits sont récoltés sur ce territoire », rappelant, une nouvelle fois, qu' »au regard du droit international, le Sahara occidental dispose d’un statut propre et distinct ». « C’est un séisme juridique en Europe. Personne n’aurait pensé, lorsque nous avions lancé la procédure, il y a 12 ans, que nous obtiendrions l’annulation de ces accords », a fait remarquer Me Manuel Devers, fils de l’avocat français Gilles Devers, figure du combat sahraoui devant la justice européenne, décédé récemment. Soutenant que cette décision est « sans précédent en droit international » et « même dans l’histoire de la décolonisation », Me Devers a affiché sa détermination à poursuivre le combat de son père et à « retourner devant les tribunaux de l’UE » si nécessaire. « La base de tout accord applicable au territoire du Sahara occidental est le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui et donc le consentement des Sahraouis. Tout mécanisme autre que le consentement serait illégal et nous devrions retourner devant les tribunaux de l’UE », a-t-il averti. Il a tenu à rappeler, à ce titre, que le Front Polisario est reconnu, une nouvelle fois, par cette Cour, comme « sujet de droit international, représentant du peuple sahraoui, pouvant agir en justice devant toute les juridictions européennes », soulignant que « la recevabilité de l’affaire est gravée dans le marbre ». « S’ils veulent conclure un nouvel accord, nous le contesterons », a-t-il ajouté, même s’il ne croit pas que l’UE va tenter de signer avec le Maroc de nouveaux accords qui incluent le Sahara occidental. « Je ne crois pas que la Cour de justice veuille d’une troisième affaire de ce type. Il en va de même pour le Parlement européen », a-t-il estimé, s’interrogeant sur les chances de la Commission européenne d’obtenir le feu vert du Parlement européen en faveur de nouveaux accords. Me Devers a affirmé par ailleurs que « l »erreur » de l’UE est d’avoir laissé sa politique à l’égard du Sahara occidental entre les mains du Maroc et de la France. « Les dirigeants européens doivent accepter le fait qu’ils doivent développer une relation fonctionnelle avec le Front Polisario », soulignant qu’indépendamment du contrôle effectif des activités de pêche par l’occupant marocain, il peut y avoir des activités d’exportation du territoire sahraoui si les certificats sont délivrés par le Front Polisario, représentant légitime du peuple sahraoui, ou par une structure reconnue. « Dire qu’il n’y a pas de solution (parce que le Maroc contrôle les eaux sahraouies et 80% du territoire) n’est pas correct. Il existe des solutions techniques. En 12 ans de travail avec les Sahraouis, je sais qu’il y a une volonté claire de la part du Front Polisario de s’assurer que le consentement des Sahraouis soit respecté », a-t-il expliqué. Me Devers a rappelé, à ce sujet, que la Cour a souligné que la mise en œuvre d’un accord entre l’UE et le Maroc étendu à ce territoire « doit recevoir le consentement du peuple du Sahara occidental », affirmant sans ambiguïté que la « population du Sahara Occidental » et le « peuple du Sahara Occidental » ne sont pas la même chose. Commentant le délai de grâce de 12 mois prévu dans l’arrêt de la Cour de justice de l’UE qui a invalidé définitivement l’accord agricole UE/Maroc, Me Devers estime que ce délai est destiné à « permettre à la Commission européenne d’organiser le retrait ordonné de l’union du territoire ».
APS