Culture

« Ech’Chebka » présenté au TNA : Un cri poignant contre l’émigration clandestine

Au cœur du Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi, un spectacle résonne avec une force singulière : « Ech’Chebka », une création théâtrale qui transcende le simple divertissement pour devenir un véritable manifeste social. Mise en scène par Abdelghani Chentouf et écrite par Ali Tamert, cette pièce bouleversante explore les méandres psychologiques et émotionnels de l’émigration clandestine.

L’histoire se concentre sur « Latcha », interprété magistralement par Smail Ait-Ammar, un jeune homme désespéré qui a fait le choix radical de tenter la traversée maritime, symbole d’un désir d’échapper à un quotidien sans perspective. Installé dans une cabane abandonnée, il attend le moment fatidique qui pourrait changer son destin, prêt à risquer sa vie aux côtés de sa bien-aimée « Fati ». Le talent d’Amina Aberkane, récompensée du prix de la meilleure interprétation féminine au 55e Festival national du Théâtre amateur, donne une profondeur saisissante à ce personnage. Sa performance dévoile toute la complexité émotionnelle des candidats à l’exil, oscillant entre espoir démesuré et conscience des dangers. La scénographie, conçue par Abdelghani Chentouf lui-même, traduit admirablement la tension du propos. Un dispositif minimaliste composé de filets de pêcheurs disposés en demi-cercle crée un espace symbolique où se jouent les destins. Ces filets deviennent métaphore : filets de la mort, mais aussi filets sociaux qui auraient pu retenir ces âmes désespérées.

L’environnement sonore et musical de Halim Bakhali, associé à la chorégraphie de Mohamed KhelfAllah, contribue à créer une atmosphère tantôt mélancolique, tantôt porteuse d’espoir. Les éclairages, savamment dosés entre tons vifs et nuances feutrées, accompagnent subtilement la progression dramatique. Le trio de comédiens – Ait-Ammar, Aberkane et Ahmed Bechar (primé meilleur second rôle) – offre un dialogue d’une rare intensité. Le trio de comédiens qui a occupé tous les espaces de la scène, a su porter la densité du texte, empreinte de quelques situations comiques et burlesques. « Sennour », personnage dont le fils a déjà payé le prix ultime de cette aventure désespérée, tente de dissuader Latcha. Chaque réplique devient un argument, chaque échange une exploration des ressorts sociaux qui conduisent à une telle décision.

« Ech’Chebka » – qui signifie « le filet » – est bien plus qu’une simple pièce de théâtre. C’est un cri d’alerte, une tentative de comprendre et de prévenir. Le spectacle invite le spectateur à réfléchir aux conditions socio-économiques qui poussent des jeunes à risquer leur vie, tout en dénonçant la fatalité de ce choix.

Couronné du Grand prix au 55e Festival national du Théâtre amateur, le spectacle entame une tournée dans sept villes de l’Ouest algérien. Une reconnaissance qui souligne l’importance de son message et la qualité de sa réalisation. Produit sous l’égide du ministère de la Culture et des Arts, par l’association « Choâla pour le théâtre et le cinéma » de Boumerdès, « Ech’Chebka » se veut un miroir tendu à une société qui doit repenser ses mécanismes d’intégration et d’espoir pour sa jeunesse.

Mohand Seghir

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