Ouverture du 17e Festival national du théâtre professionnel: L’hommage à Nadia Talbi
Les projecteurs du Théâtre national algérien Mahieddine-Bechtarzi se sont rallumés pour accueillir, tel un phare culturel, la 17e édition du Festival national du théâtre professionnel. Cette grand-messe des planches, qui a levé son rideau vendredi soir, rendant hommage à une étoile du firmament théâtral algérien : Nadia Talbi, dont les 80 printemps n’ont en rien terni l’éclat artistique.
La cérémonie d’ouverture, orchestrée sous le regard bienveillant du ministre de la Culture et des Arts, Zouhir Ballalou, a transformé le vénérable TNA en un écrin de reconnaissance pour celle qui a marqué de son empreinte indélébile le quatrième art algérien. Dans ce temple de la culture, où convergent les chemins de tous les amoureux du théâtre, Nadia Talbi est apparue, telle une reine sur son royaume de planches, entourée d’une constellation d’artistes du théâtre et du cinéma, ainsi que des gardiens institutionnels de la culture nationale. Le moment le plus poignant de la soirée fut sans conteste l’apparition de la comédienne sur scène, le cœur débordant d’émotions, pour exprimer sa « reconnaissance et sa gratitude » face à une salle comble venue lui témoigner son « affection », son « soutien » et son « égard » au théâtre et à ses serviteurs dévoués. Tel un pont jeté entre les générations, sa présence incarnait à elle seule la riche histoire du théâtre algérien.
Dans un discours empreint de solennité, le ministre Ballalou a rappelé avec force que le théâtre demeure « un art et un outil efficace » pour la transmission des « hautes valeurs humaines ». Il a particulièrement mis en lumière « l’initiative du président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, d’instituer le baccalauréat artistique », comme une pierre angulaire dans l’édifice de la formation artistique nationale.
Cette édition résonne d’autant plus fort qu’elle coïncide avec le 70e anniversaire du déclenchement de la glorieuse révolution de libération nationale. Le ministre n’a pas manqué de souligner le « rôle majeur de l’art et de la culture » qui ont servi de porte-voix à la cause algérienne pendant la lutte pour l’indépendance, tissant un lien indéfectible entre les planches et la mémoire nationale. Mohamed Yahiaoui, commissaire du Festival, a quant à lui évoqué avec passion « le rôle du théâtre dans l’accompagnement de la vie culturelle en Algérie », tel un miroir fidèle reflétant les mutations de la société à travers les époques, porté par des artistes passionnés qui « ont contribué à l’enrichissement de l’action théâtrale de notre pays ».
Le point d’orgue de la soirée fut sans conteste la présentation de « 70 sana fi gharamek » (Epris de toi… 70 ans), une fresque théâtrale magistralement orchestrée par le metteur en scène Mohamed Cherchel. Durant 100 minutes, ce spectacle s’est fait chroniqueur des « grandes stations » qui ont jalonné l’histoire du théâtre algérien, remontant le fil du temps jusqu’à la création de la Troupe artistique du FLN en Tunisie en 1958. Tel un kaléidoscope vivant, la pièce fait revivre des œuvres emblématiques comme « Galou laareb Galou », « Hassan Terro », « Les enfants de la Casbah », « Ladjouad », autant de joyaux qui ont façonné le paysage théâtral post-indépendance. La distribution, savant mélange de générations, réunit des piliers comme Mustapha Ayad, Allaoua Zermani, Brahim Chergui, Hamid Achouri et Hakim Dakkar, aux côtés de jeunes talents prometteurs. Le spectacle rend également un vibrant hommage aux grands noms qui ont marqué l’histoire du théâtre algérien : Abderrahmane Kaki, Abdelkader Alloula, Abelhalim Raïs, Mustapha Kateb, Kateb Yacine, Malek Bouguermouh, Sonia, Mohia, autant d’artisans qui ont bâti pierre par pierre l’édifice du théâtre national. Comme l’a souligné le metteur en scène, « +70 sana fi gharamek+ est un hommage à tous les créateurs et les enfants de la scène théâtrale algérienne, morts ou vivants, qui ont marqué, 70 ans durant, la scène théâtrale par leurs œuvres évoquées dans ce montage théâtral ». En prélude à cette soirée mémorable, la place Mohamed-Touri, aux abords du TNA, s’est transformée en théâtre à ciel ouvert, où la troupe « Assala » de Sidi Bel Abbès a fait vibrer les pavés d’une performance mêlant avec audace madih et raï, devant une foule conquise. Le festival, qui se poursuivra jusqu’au 30 décembre, promet d’être un feu d’artifice théâtral avec dix-neuf pièces en compétition, produites par le TNA et les théâtres régionaux, sans compter les spectacles hors compétition. En parallèle, des conférences explorant « la mémoire du théâtre algérien » et « le théâtre et les valeurs » viendront nourrir la réflexion sur cet art millénaire, participant ainsi à la célébration du 70e anniversaire du déclenchement de la Révolution du 1er novembre 1954, date gravée dans le marbre de l’histoire algérienne.
Mohand Seghir