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Le Sénégal déterminé à rompre avec le modèle colonial

Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a confirmé vendredi la décision de fermer toutes les bases militaires étrangères dans le pays. M. Sonko a indiqué lors de son discours de politique générale au Parlement que cette décision reflétait la détermination de Dakar de renforcer la souveraineté nationale et de réorienter la politique de défense du pays.

Dans son premier discours de politique générale prononcé vendredi devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a présenté sa vision d’une rupture profonde avec le modèle hérité de la colonisation, esquissant les contours d’une transformation radicale de l’économie et de la société sénégalaises pour les cinq années à venir. « Il est impératif d’opérer une rupture d’une profondeur et d’une portée jamais vue dans notre pays, jamais vu depuis notre accession à l’indépendance », a déclaré d’emblée le chef du gouvernement. Dans cette optique, le Premier ministre sénégalais a notamment annoncé son intention d’abroger la loi d’amnistie votée à l’initiative de l’ancien président, un texte qui avait pourtant permis sa propre libération ainsi que celle du président Bassirou Diomaye Faye au début de l’année. Cette loi visait à l’époque à apaiser les tensions politiques après trois années de confrontation ayant fait plusieurs dizaines de morts selon les ONG. Sur le plan diplomatique et militaire, le Premier ministre a confirmé la décision annoncée par le président Faye de fermer les bases militaires françaises présentes sur le territoire sénégalais, une annonce qui a suscité les applaudissements des députés. Le Sénégal compte actuellement trois sites militaires français où sont déployés environ 300 soldats. Dans la même veine de distanciation vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale, Sonko a annoncé l’application d’un « principe de réciprocité pour la délivrance de visas aux ressortissants de certains pays qui l’exigent à nos ressortissants », une mesure qui, bien que formulée de manière générale, semble particulièrement viser la France.

Sur le plan économique, Ousmane Sonko a diagnostiqué un pays « enfermé dans le modèle économique colonial » dont il entend s’extraire, malgré une situation qu’il qualifie lui-même de « catastrophique », avec un déficit budgétaire atteignant 10,4% du PIB et une dette publique s’élevant à 76,3% du PIB. Pour redresser la barre, le Premier ministre mise sur une importante réforme fiscale guidée par le principe « faire payer moins à tous les Sénégalais mais faire payer à tous les Sénégalais », l’objectif étant de parvenir à une fiscalité plus « efficace et équitable ». Dans la même logique, il a annoncé le retrait du Sénégal de toutes les conventions bilatérales impliquant des paradis fiscaux. Le chef du gouvernement a également détaillé sa vision d’une politique sociale rénovée, avec notamment une « rationalisation des subventions à l’énergie » destinée à mieux cibler les ménages les plus pauvres. Il a par ailleurs réaffirmé sa volonté de « s’attaquer à la vie chère » et de donner la priorité à « la demande sociale » pour améliorer la qualité de vie des Sénégalais. Malgré les difficultés économiques actuelles, Sonko affiche l’ambition de « hisser le Sénégal parmi les économies les plus compétitives d’Afrique », s’appuyant notamment sur les perspectives offertes par l’exploitation des ressources gazières du pays.

 Enfin, dans le domaine éducatif, le Premier ministre a esquissé une réforme linguistique d’envergure avec la promotion du « multilinguisme » via « la généralisation de l’enseignement de l’anglais à l’école élémentaire et l’utilisation des langues nationales dans le système d’éducation et de formation ». Cette initiative marque une inflexion significative dans ce pays où l’enseignement public est traditionnellement dispensé en français, et s’inscrit dans la continuité des mesures visant à réduire l’influence de l’ancienne puissance coloniale. À travers ce discours programmatique, Ousmane Sonko pose ainsi les jalons d’une politique de rupture ambitieuse, tant sur le plan économique que diplomatique et culturel, dont la mise en œuvre effective constituera l’un des principaux défis de son mandat de Premier ministre.

R.I.

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