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Alger, Dakar et N’Djamena dénoncent les propos de Macron: Les dérives du paternalisme néocolonial français

L’Algérie, le Sénégal et le Tchad ont vivement critiqué les récentes déclarations du président français Emmanuel Macron, nouvelle manifestation du paternalisme colonial français envers l’Afrique. La controverse a éclaté lors de la conférence des ambassadeurs à Paris, où le président français a tenu des propos « irresponsables » sur l’Algérie à propos de l’affaire de l’écrivain algérien Boualem Sansal. « Le Gouvernement algérien a pris connaissance, avec beaucoup d’étonnement, des propos du Président français concernant l’Algérie, qui déshonorent, avant tout, celui qui a cru devoir les tenir de manière aussi désinvolte et légère. Ces propos ne peuvent être que réprouvés, rejetés et condamnés pour ce qu’ils sont, une immixtion éhontée et inacceptable dans une affaire interne algérienne », a indiqué hier un communiqué du ministère des Affaires étrangères. « Ce que le Président français présente indûment et faussement comme une affaire de liberté d’expression n’en est pas une au regard de la loi d’un Etat souverain et indépendant. Elle relève essentiellement d’une mise en cause de l’intégrité territoriale du pays, un délit punissable par la loi algérienne », ajoute le communiqué. Les propos de Macron ont également été fermement dénoncés par le Tchad et le Sénégal. Les propos de Macron affirmant notamment avoir « (…) proposé aux chefs d’État africains de réorganiser (la présence française). Comme on est très polis, on leur a laissé la primauté de l’annonce. » ont été à leur tour considérés par le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko de « condescendants ». Le Tchad à son tour réagit aux propos provocateurs du président Macron qui a déclaré qu’ « aucun pays africain ne serait aujourd’hui souverain, si la France ne s’était déployée », reprochant aux dirigeants africains d’avoir « oublié de dire merci à la France. » des propos d’une gravité sans nom et qui reflète le prisme néocolonial qui prédomine à l’Élysée.

Au Sénégal, le Premier ministre Ousmane Sonko a directement contredit Macron sur Facebook : « Je tiens à dire que, dans le cas du Sénégal, cette affirmation est totalement erronée. Aucune discussion ou négociation n’a eu lieu à ce jour et la décision prise par le Sénégal découle de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain. » Il a notamment rappelé que « la France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté », pointant le rôle déstabilisateur de Paris en Libye et ses « conséquences désastreuses » au Sahel.

Dans une intervention particulièrement cinglante, Sonko a rappelé la dette historique de la France : « Si les soldats Africains, quelquefois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis, ne s’étaient pas déployés lors la deuxième guerre mondiale pour défendre la France, celle-ci serait, peut-être aujourd’hui encore, Allemande. » Le Tchad, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Abderaman Koulamallah, a dénoncé « une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains. » Dans un communiqué officiel, le ministre a précisé que si le Tchad « n’a aucun problème avec la France en tant que nation ni avec le peuple français », il estime que « les dirigeants français doivent apprendre à respecter le peuple africain et reconnaître la valeur de ses sacrifices. » Concernant l’armée tchadienne, Koulamallah a fermement rejeté toute dette envers la France : « Notre armée, forte et résiliente, est le fruit de la bravoure du peuple tchadien et des sacrifices consentis avec des moyens modestes. » Il a souligné que « la France n’a jamais doté l’armée tchadienne de manière significative ni contribué à son développement structurel » durant ses 60 années de présence. Le Sénégal a récemment rejoint le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Tchad et la Côte d’Ivoire dans leur décision de mettre fin à la présence militaire française sur leur territoire. Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a notamment annoncé « la fin de toutes les présences militaires de pays étrangers au Sénégal dès 2025. »

Face à cette vague de fond, Paris tente de minimiser ces départs successifs en évoquant pudiquement une « reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique. » Cependant, comme l’a souligné le ministre tchadien en conclusion, le président Macron devrait plutôt « concentrer ses efforts sur la résolution des problèmes qui préoccupent le peuple français » plutôt que de perpétuer une posture néocoloniale désormais rejetée par le continent africain.

 Il faut dire que les propos du président français ont fait sourciller au sein même de la classe politique française.  Ils ont provoqué mardi l’indignation du parti de gauche radicale La France insoumise (LFI), qui a fustigé le « paternalisme » du chef de l’Etat français. Les propos du président « relèvent d’un aveuglement qui confine à la folie » et révèlent « un paternalisme néocolonial tout bonnement intolérable », a dénoncé LFI dans un communiqué. « De tels propos sont politiquement inconséquents et diplomatiquement totalement irresponsables et fragilisent encore davantage nos relations avec les nations d’Afrique de l’Ouest », a-t-il ajouté. « Les propos du président Macron à propos du départ prétendument négocié de l’armée française au Sénégal et au Tchad sont démentis par les deux pays », a relevé le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon sur les réseaux sociaux. « Encore une fois, la désinvolture et les paroles non maîtrisées aggravent les relations internationales de notre pays », a-t-il ajouté.

Salim Amokrane

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