Ces méthodes qui sapent l’action arabe commune
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a décidé de ne pas participer personnellement au sommet arabe d’urgence qu’abritera la République arabe d’Egypte aujourd’hui pour discuter des développements de la question palestinienne.
Selon l’APS qui cite une source bien informée, cette décision, murement réfléchie, a été prise » dans le contexte des déséquilibres et des lacunes qui ont entaché le processus de préparation de ce sommet ».
L’Algérie sera donc représentée par Ahmed Attaf, ministre d’État aux Affaires étrangères, à la Communauté nationale à l’étranger et aux Affaires africaines. « Cette décision intervient dans le contexte des déséquilibres et des lacunes qui ont entaché le processus de préparation de ce sommet, dans la mesure où ce processus a été monopolisé par un groupe limité et étroit de pays arabes qui ont accaparé la préparation des outcomes du prochain sommet du Caire sans aucune coordination avec le reste des pays arabes, qui sont tous concernés par la question palestinienne. » Cette critique directe révèle la gravité des dysfonctionnements diplomatiques entre nations arabes, où certains pays, notamment ceux du Golfe, l’Égypte et la Jordanie, semblent s’arroger un rôle prépondérant dans la définition des positions arabes communes, marginalisant les autres pays.
Le communiqué va plus loin en soulignant que « le Président de la République éprouve un sentiment d’insatisfaction par rapport à cette façon de faire, basée sur l’inclusion de pays et l’exclusion d’autres, comme si le soutien de la cause palestinienne était devenu aujourd’hui le monopole de certains et pas d’autres. » Cette formulation diplomatique cache à peine une dénonciation sévère de l’attitude de certains pays arabes qui, tout en affichant un soutien de façade à la cause palestinienne, poursuivent en réalité leurs propres agendas géopolitiques, souvent au détriment de l’unité arabe et de la cause palestinienne elle-même. Cette fracture est particulièrement préoccupante alors que la situation à Ghaza et en Cisjordanie continue de se détériorer dramatiquement.
La réunion tenue il y a une semaine entre les dirigeants des pays du Golfe, de l’Égypte et de la Jordanie illustre parfaitement cette problématique. En se focalisant exclusivement sur la question du déplacement forcé des Palestiniens de Ghaza et en proposant un plan de reconstruction et de gouvernance pour contrer le plan de déplacement forcé des Palestiniens promu par Trump, ces pays ont délibérément ignoré la dimension globale du conflit et de l’urgence de la situation en Palestine occupée. Cette approche fragmentaire néglige les graves menaces qui pèsent sur l’accord de cessez-le-feu à Ghaza, l’intensification du nettoyage ethnique en Cisjordanie et les ambitions expansionnistes israéliennes – autant d’éléments qui appellent à une solution durable fondée sur la création de deux États dans les frontières de 1967, conformément aux résolutions des Nations Unies.
Face à ces manœuvres, l’Algérie réaffirme son engagement historique en faveur de la cause palestinienne. Comme le rappelle le communiqué, l’Algérie « continue de consacrer son mandat au Conseil de Sécurité à la défense de la cause palestinienne, une voix arabe qui dit la vérité, une voix arabe qui défend les droits des opprimés, et une voix arabe qui n’attend aucune récompense ou reconnaissance de ses frères, mais qui se lamente et déplore l’état actuel de la nation arabe. » Cette position de principe contraste avec l’opportunisme et les calculs à court terme de certains régimes arabes dont les actions sapent toute possibilité d’action arabe commune et efficace en faveur des droits palestiniens.
La décision du président Tebboune doit donc être comprise comme un signal d’alarme lancé à l’ensemble du monde arabe. Elle met en lumière la nécessité urgente de dépasser les divisions et les intérêts nationaux étroits pour construire un véritable consensus arabe face à ce que les Nations Unies considèrent comme la « dernière chance » d’implémenter la solution à deux États. L’absence du Président Tebboune à ce sommet ne traduit pas un désintérêt pour la cause palestinienne, bien au contraire, mais plutôt une condamnation des méthodes qui compromettent la légitimité et l’efficacité de l’action arabe commune dans ce dossier crucial. Notons dans ce contexte que le président tunisien Kas Saied a lui annoncé sa décision de ne pas prendre part au sommet de se faire représenter par son ministre des Affaires étrangères.
Chokri Hafed