Visite du ministre français des Affaires étrangères aujourd’hui à Alger: Un agenda dense pour renouer le dialogue
La visite officielle du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, prévue ce dimanche à Alger, s’inscrit dans une dynamique de réchauffement des relations algéro-françaises après huit mois d’une crise diplomatique inédite.
Cette rencontre au sommet, qui fait suite à l’entretien téléphonique entre les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron du 31 mars dernier, ainsi qu’à l’échange entre les deux ministres des Affaires étrangères ce jeudi, vise à concrétiser la feuille de route établie par les deux chefs d’État pour relancer la coopération bilatérale. Un programme dense attend le chef de la diplomatie française lors de son séjour à Alger, avec plusieurs dossiers prioritaires qui marqueront l’ordre du jour de ses discussions avec les autorités algériennes. Le communiqué du ministère des Affaires étrangères, de la Communauté nationale à l’étranger et des Affaires africaines rappelle d’ailleurs que cet entretien téléphonique entre les deux ministres intervient dans le prolongement de celui des deux chefs d’État. « Dans le prolongement de l’appel téléphonique du 31 mars 2025 entre le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, et son homologue de la République française, M. Emmanuel Macron, le ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, de la Communauté nationale à l’étranger et des Affaires africaines, M. Ahmed Attaf, a reçu ce jour un appel téléphonique de son homologue français, M. Jean-Noël Barrot », précise le communiqué. La même source ajoute que « dans cette perspective, l’appel téléphonique a permis aux deux ministres de passer en revue les principaux dossiers auxquels les deux chefs d’État ont demandé que soit accordée une attention particulière dans le cadre plus large du règlement des différends qui sont venus récemment contrarier le cours normal de la relation algéro-française ». Au cœur de l’agenda de cette visite figure la mise en œuvre opérationnelle de la feuille de route définie lors de l’entretien téléphonique entre les présidents Tebboune et Macron. Le porte-parole du Quai d’Orsay l’a confirmé lors de son point de presse hebdomadaire à Paris ce jeudi : « L’idée générale, c’est d’incarner la reprise du dialogue avec les autorités à Alger et d’opérationnaliser la feuille de route » du communiqué conjoint. Parmi les dossiers prioritaires qui seront abordés lors de cette visite, la reprise de la coopération sécuritaire figure en tête de liste. Les deux présidents étaient convenus lors de leur entretien téléphonique de la « reprise sans délai » de ce volet essentiel des relations bilatérales. Le dossier migratoire constitue un autre point focal des discussions, avec la volonté affichée de « réinitialiser immédiatement une coopération migratoire confiante, fluide et efficace qui permette de traiter de toutes les dimensions de la mobilité entre les deux pays dans une logique de résultats », selon les termes employés par le porte-parole de la diplomatie française. La coopération judiciaire, suspendue pendant la période de tension, devrait également être remise sur les rails. À cet égard, le communiqué conjoint publié à l’issue de l’entretien téléphonique entre les deux présidents annonçait déjà une prochaine visite à Alger du Garde des Sceaux français, Gérald Darmanin. Le travail mémoriel, pierre angulaire des relations algéro-françaises, occupera également une place importante dans les discussions. La poursuite des travaux de la commission mixte d’historiens, créée à l’initiative des deux présidents, a été expressément mentionnée comme prioritaire. Cette commission, « qui est toujours à l’œuvre » selon le porte-parole du Quai d’Orsay, devrait se réunir prochainement en France, avec l’objectif de remettre ses conclusions et propositions concrètes aux deux chefs d’État avant l’été 2025. Sur le plan économique, les discussions porteront sur le renforcement des échanges et des investissements « dans le respect des intérêts des deux pays ». L’appui de la France à la révision de l’Accord d’association Union européenne-Algérie, exprimé par le président Macron lors de son entretien avec le Président Tebboune, pourrait également figurer au menu des discussions. Si le porte-parole de la diplomatie française a avoué ne pas disposer des « détails exacts du programme » de la visite de Jean-Noël Barrot à Alger, il a néanmoins assuré que « le message qui est envoyé », c’est que le ministre français est « disponible et disposé à reprendre le dialogue avec son homologue algérien ». Cette visite s’inscrit dans une séquence diplomatique intense visant à rétablir les relations entre les deux pays après une période de fortes tensions. L’entretien téléphonique du 31 mars entre les présidents Tebboune et Macron, qualifié de « long échange franc et amical » par le communiqué de la Présidence de la République, avait déjà permis de poser les jalons de ce dégel. Les deux chefs d’État avaient alors « réitéré leur volonté de renouer le dialogue fructueux qu’ils avaient consacré avec la Déclaration d’Alger d’août 2022 et qui s’était traduit par des gestes forts en matière mémorielle ». Ils avaient également souligné que « la force des liens – en particulier humains – unissant l’Algérie et la France, les intérêts stratégiques et de sécurité respectifs des deux pays, les défis et crises auxquels l’Europe, la Méditerranée et l’Afrique étaient confrontées exigeaient le retour à ce dialogue d’égal à égal entre deux partenaires qui constituent des acteurs européen et africain de premier plan et qui sont attachés à la légalité internationale, ainsi qu’aux buts et principes édictés par la Charte des Nations Unies ». La question du cas de l’écrivain Boualem Sansal, mentionnée lors de l’entretien téléphonique entre les deux présidents, pourrait également être évoquée lors de la visite du chef de la diplomatie française. La visite de Jean-Noël Barrot à Alger marque ainsi une étape dans le processus de normalisation des relations algéro-françaises. Elle devrait permettre, selon les termes du communiqué conjoint, de « détailler ce programme de travail ambitieux, d’en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre ». L’objectif affiché est que « l’ambition commune d’une relation ambitieuse, sereine et respectueuse des intérêts de chacun débouche sur des résultats concrets ». Cette séquence diplomatique pourrait culminer avec une rencontre entre les présidents Tebboune et Macron, dont « le principe » a été « arrêté » lors de leur entretien téléphonique du 31 mars, sans qu’une date précise n’ait été communiquée.
Salim Amokrane