Impact des tarifs douaniers américains sur les marchés énergétiques: Les GECF s’inquiète de la multiplication des incertitudes
À l’heure où les marchés mondiaux de l’énergie traversent une période de turbulences sans précédent, les principales organisations internationales du secteur énergétique multiplient les alertes sur l’impact potentiellement dévastateur des nouvelles politiques tarifaires américaines. Réuni à Doha les 14 et 15 avril 2025 sous forme hybride, le 23ème Conseil Technique et Économique (TEC) du Forum des Pays Exportateurs de Gaz (GECF) a ainsi dressé un constat préoccupant de la situation actuelle. Dans son discours d’ouverture, le Secrétaire Général du GECF, Mohamed Hamel, a souligné que cette réunion se tenait « à un moment où le rythme du changement historique s’est considérablement accéléré, et où la seule certitude est la complexité croissante et l’approfondissement des incertitudes à travers de multiples dimensions — géopolitiques, économiques, environnementales, technologiques et sociétales ». Il a particulièrement mis en évidence qu' »il n’existe pas d’illustration plus claire des incertitudes actuelles que les événements sismiques déclenchés par les droits de douane radicaux et sans précédent annoncés par le président américain Donald Trump le 2 avril 2025″. Ces mesures ont provoqué une série de réactions déstabilisantes : mesures de rétorsion d’autres pays, volatilité extrême des marchés boursiers, tensions accrues sur les marchés obligataires, déclin de l’indice du dollar américain, chute brutale de la confiance des consommateurs américains à son deuxième niveau le plus bas depuis 1952, et baisse des prix du pétrole et du gaz naturel, exacerbée par la décision de l’OPEP+ de démanteler son accord d’ajustement de l’offre. Selon Hamel, les risques sont orientés à la baisse avec une croissance économique plus lente — voire une récession complète —, une inflation en hausse, des investissements en déclin et des menaces croissantes pour la stabilité du système financier. Au cours de la réunion, les participants se sont engagés dans des discussions sur l’évolution du marché mondial du gaz et ont examiné une série de rapports et de présentations préparés par le Secrétariat, couvrant les perspectives à court et à long terme, l’impact des mesures tarifaires et réglementaires actuelles sur les marchés gaziers mondiaux, ainsi que le Programme de Travail proposé pour 2026. Le Rapport Annuel sur le Marché du Gaz (AGMR) 2025 a été lancé lors de cette réunion, offrant une analyse détaillée des tendances du marché mondial du gaz en matière de consommation, de production, de stockage, de commerce et de prix, ainsi qu’une évaluation de l’impact des développements économiques mondiaux et des politiques énergétiques, accompagnée de projections à court terme. Des discussions approfondies ont été menées sur le rôle du gaz naturel dans la décarbonisation du secteur maritime et le potentiel de suroffre de GNL à moyen terme. En parallèle, l’OPEP a révisé à la baisse ses prévisions de croissance de la demande mondiale de pétrole pour 2025 à 1,3 million de barils par jour (bpj), citant l’impact attendu des droits de douane américains récemment annoncés. Cette révision a été détaillée dans le rapport mensuel sur le marché pétrolier de l’OPEP publié le 14 avril. L’organisation a également abaissé ses perspectives pour 2026, attribuant à nouveau cet ajustement à l’impact projeté des nouveaux droits de douane américains. L’OPEP a souligné que la trajectoire à court terme de l’économie mondiale fait maintenant face à une plus grande incertitude en raison de ces développements liés aux tarifs douaniers. En conséquence, l’organisation a réduit ses prévisions de croissance économique mondiale à 3 % pour 2025 et à 3,1 % pour 2026. Dans son dernier rapport, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) constate également qu’après une période de calme relatif, les marchés pétroliers mondiaux ont été secoués par une série d’annonces de droits de douane au début du mois d’avril. Selon l’AIE, la croissance de la demande mondiale de pétrole pour 2025 a été révisée à la baisse de 300 000 barils par jour depuis le rapport du mois dernier, pour atteindre 730 000 bpj, car l’escalade des tensions commerciales a eu un impact négatif sur les perspectives économiques. La croissance devrait ralentir davantage en 2026, à 690 000 bpj, mais les risques liés aux prévisions restent importants étant donné l’évolution rapide du contexte macroéconomique. Les politiques tarifaires américaines semblent ainsi créer une onde de choc bien au-delà du seul commerce international, affectant profondément les perspectives des marchés énergétiques et menaçant potentiellement la transition énergétique mondiale en cours.
Samira Ghrib