Un dispositif musclé avec des sanctions prévoyant la peine capitale : L’Algérie déclare la guerre au narcotrafic
Le nouveau projet de loi relatif à la prévention et à la lutte contre les stupéfiants et les substances psychotropes marque un durcissement sans précédent dans la stratégie nationale de lutte contre ce fléau social. Ce texte, qui modifie et complète la loi n° 04-18 du 25 décembre 2004, introduit des mesures répressives d’une extrême sévérité, allant jusqu’à la peine capitale pour les cas les plus graves, considérant désormais l’incitation à la consommation de ces substances comme une atteinte à « la sécurité nationale ».
Ce projet de loi s’inscrit dans un contexte marqué par une augmentation inquiétante des affaires liées aux stupéfiants, malgré la rigueur des dispositions législatives actuelles. Face à cette situation alarmante qui menace désormais l’ensemble des composantes de la société algérienne, y compris les établissements éducatifs et les populations vulnérables, les autorités ont décidé de frapper fort en instaurant des peines dissuasives pouvant atteindre 20 à 30 ans d’emprisonnement pour certains délits, et la peine capitale pour les trafiquants opérant au sein de groupes criminels organisés qui portent atteinte à la sécurité nationale ou qui troublent l’ordre public sur instigation ou au profit d’un État étranger.
« La consommation et le trafic de stupéfiants constituent aujourd’hui une préoccupation majeure en Algérie, compte tenu des répercussions négatives et préjudiciables qu’ils engendrent sur la santé publique et la société », souligne l’exposé des motifs du projet dont les grands axes ont été dévoilés par nos confrères d’Echourouk et d’El Khabar. Cette nouvelle approche nationale en matière de prévention des stupéfiants et des substances psychotropes vise à établir un équilibre entre prévention, traitement des toxicomanes et répression des infractions connexes, impliquant tant les institutions étatiques que les différentes composantes de la société civile.
Des contrôle élargis aux écoles et aux candidats à la fonction publique
Parmi les innovations majeures du texte figure l’obligation pour les candidats aux concours de recrutement dans les administrations, établissements et organismes publics, ainsi que les structures d’intérêt général et celles ouvertes au public, de présenter des analyses médicales négatives attestant l’absence de consommation de stupéfiants ou de substances psychotropes. Cette mesure préventive s’étend également au secteur privé. Le projet prévoit par ailleurs que les examens médicaux périodiques des élèves dans les établissements éducatifs, d’enseignement et de formation puissent inclure des analyses destinées à détecter précocement les signes de consommation de stupéfiants ou de substances psychotropes, après accord de leurs représentants légaux ou, le cas échéant, du juge des mineurs compétent. Si les résultats révèlent une consommation, la personne concernée sera soumise aux mesures thérapeutiques prévues par la loi, sans pour autant faire l’objet de poursuites judiciaires en raison de ces résultats.
Les modalités de désintoxication sont également précisées dans le projet. Ce traitement se déroulera sous contrôle judiciaire, soit au sein d’un établissement spécialisé, soit en ambulatoire sous surveillance médicale. Un arrêté du ministre chargé de la Santé déterminera les modalités de prise en charge par les établissements de santé spécialisés. Lorsque l’état de la personne concernée ne nécessite pas son hospitalisation, elle sera placée sous surveillance médicale sur ordonnance du juge compétent, avec notification immédiate à l’intéressé ou à son représentant légal s’il s’agit d’un enfant.
Le texte accorde une protection particulière aux mineurs suivant un traitement de désintoxication, en les exemptant de poursuites s’ils suivent ce traitement avant le déclenchement de l’action publique, ou en les dispensant de peine s’ils le suivent après le déclenchement de l’action publique. Dans le même esprit, le projet de loi prévoit des peines d’emprisonnement allant de 20 à 30 ans contre quiconque incite des mineurs, des personnes handicapées ou des personnes en traitement pour toxicomanie à transporter, détenir, vendre, offrir à la vente, céder ou utiliser illégalement des stupéfiants ou des substances psychotropes. La peine capitale est envisagée si l’infraction est commise à l’intérieur ou à proximité d’établissements éducatifs, d’enseignement ou de formation. La réclusion à perpétuité s’appliquera si l’infraction est commise à l’intérieur ou à proximité d’établissements de santé ou sociaux, ou au sein d’organismes publics ou d’établissements ouverts au public.
Traquer l‘argent des « barons » de la drogue
Le projet accorde des pouvoirs étendus au ministère public, aux juges d’instruction et à la police judiciaire, les autorisant à mener des enquêtes financières parallèles sur les sources des biens mobiliers et immobiliers des personnes impliquées dans des affaires de stupéfiants, afin de détecter les produits des infractions. Ces autorités pourront également publier les photographies et éléments d’identité des suspects dans les affaires graves visées par cette loi, si cela s’avère nécessaire pour préserver la sécurité et l’ordre publics, prévenir la récidive ou arrêter les suspects. En outre, le projet prévoit la possibilité d’offrir des incitations financières ou autres aux personnes qui fournissent aux autorités compétentes des informations susceptibles de conduire à la découverte des auteurs des actes prévus par cette loi, à leur arrestation ou à la cessation de l’infraction. Le texte révise également les dispositions relatives à la récidive en tenant compte de l’échelle des peines prévues dans cette loi, et établit des sanctions graduées selon la gravité de l’infraction concernée et les peines qui lui sont applicables. Concernant la révision des dispositions pénales, le nouveau projet de loi prend en considération, dans la détermination des peines, la gravité des actes et des stupéfiants ou substances psychotropes utilisés, en aggravant la peine lorsqu’il s’agit de drogues synthétiques, dites « dures », comme l’héroïne et la cocaïne, pouvant aller jusqu’à la peine capitale.
Un message clair aux réseaux étrangers
La peine de mort est également prévue pour les infractions graves liées aux stupéfiants et aux substances psychotropes si elles entraînent directement la mort ou sont susceptibles de causer des dommages graves à la santé publique, ou si elles sont associées à des circonstances qui en augmentent la gravité et les effets sur la société. Ces circonstances concernent la commission de l’infraction dans le cadre d’un groupe criminel organisé transnational, dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale ou de créer un climat d’insécurité et de troubler l’ordre public, sur instigation ou au profit d’un État étranger, ou avec usage ou menace d’usage d’armes.
Le projet prévoit aussi l’interdiction définitive de séjour sur le territoire national pour tout étranger qui commet l’un des crimes prévus par cette loi, avec possibilité de déchéance de la nationalité algérienne acquise en cas de commission des crimes prévus dans ce projet, conformément aux dispositions de la loi sur la nationalité. En définitive, ce projet de loi traduit la volonté des autorités de mettre en place une stratégie globale et ferme contre un phénomène qui, selon les termes mêmes du texte, « menace désormais la sécurité nationale et la santé publique, et touche toutes les catégories de la société ».
Hocine Fadheli