Soudan : Les FSR frappent Port-Soudan pour la première fois
La guerre au Soudan a franchi un nouveau cap ce dimanche avec une attaque sans précédent des Forces de soutien rapide (FSR) contre l’aéroport de Port-Soudan, siège provisoire des autorités soudanaises. Selon le porte-parole de l’armée, le général Nabil Abdullah, « l’ennemi a ciblé ce matin la base aérienne d’Osman Digna avec des drones explosifs, un entrepôt de marchandises et certaines installations civiles dans la ville de Port Soudan ». Cette première frappe contre Port-Soudan, ville jusqu’alors épargnée par les violences depuis le début du conflit le 15 avril 2023, a entraîné la suspension immédiate des vols mais n’a pas fait de victimes selon les sources officielles. Des témoins présents sur place rapportent avoir été « évacués très rapidement » alors qu’ils s’apprêtaient à embarquer, tandis que des photos montrent une épaisse colonne de fumée noire s’élevant au-dessus de l’infrastructure aéroportuaire. Située à plus de 600 kilomètres à l’est de Khartoum, Port-Soudan abrite non seulement le gouvernement provisoire mais aussi des agences des Nations Unies et des centaines de milliers de déplacés ayant fui les combats. Cette attaque survient dans un contexte où le pays demeure profondément divisé : l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane contrôle le centre, l’est et le nord du pays, tandis que les paramilitaires dirigés par le général Mohamed Hamdane Daglo tiennent l’ouest du pays, notamment la quasi-totalité du Darfour, ainsi que certaines parties du sud. Fin mars, l’armée avait néanmoins repris Khartoum aux paramilitaires, marquant une victoire symbolique importante après avoir été chassée de la capitale au début du conflit. Les FSR, qui ne disposent pas d’aviation conventionnelle, s’appuient désormais fortement sur des drones, tant artisanaux que sophistiqués, pour mener leurs opérations offensives. Le gouvernement soudanais accuse ouvertement les Émirats arabes unis de fournir ces équipements aux paramilitaires, une accusation soutenue par des rapports d’experts de l’ONU, de responsables américains et d’organisations internationales. Selon le laboratoire humanitaire de recherche de l’Université Yale, qui surveille l’évolution du conflit grâce à des données de télédétection, six drones d’origine chinoise ont été identifiés sur des images satellites à l’aéroport de Nyala, sous contrôle des FSR dans la région occidentale du Darfour. Ces appareils seraient dotés de « technologies avancées de surveillance électronique et de capacités de guerre » et pourraient être équipés d’armements air-sol. Ces dernières semaines, les FSR ont multiplié leurs attaques de drones contre des sites civils et militaires stratégiques, notamment contre des infrastructures électriques dans la ville d’Atbara (nord) en avril, plongeant le pays dans le noir. Port-Soudan reste d’ailleurs privée d’électricité depuis une dizaine de jours. Une autre frappe attribuée aux paramilitaires a également touché samedi la ville de Kassala, à la frontière avec l’Érythrée, dans l’est du pays. Face à ces développements inquiétants, l’Arabie saoudite, qui a joué un rôle de médiateur dans ce conflit, a condamné dimanche les attaques contre les infrastructures à Port-Soudan et à Kassala, les qualifiant de « menace pour la stabilité et la sécurité » régionale. Selon un ancien général soudanais s’exprimant sous couvert d’anonymat, ces attaques visent à démontrer « qu’aucun endroit n’est sûr » et que les paramilitaires sont en mesure de frapper « n’importe quelle région du Soudan ». Il estime également que les FSR cherchent « à perturber le trafic aérien et à dissuader les compagnies internationales, comme EgyptAir ou Ethiopian Airlines, que le ciel du Soudan n’est pas sans danger ». Pendant ce temps, la situation humanitaire continue de se détériorer dramatiquement. L’UNICEF a lancé un appel pressant ce dimanche, soulignant que « alors que les combats s’intensifient au Darfour, au Soudan, les enfants sont les plus touchés par une catastrophe humanitaire de plus en plus grave » et exhortant à la cessation des violences. L’agence onusienne a rappelé qu’elle reste présente sur le terrain « pour soutenir les personnes déplacées en leur fournissant des fournitures vitales en matière de santé, de nutrition et d’eau, d’assainissement et d’hygiène ». Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’était quant à lui dit « consterné » mercredi dernier par la situation « de plus en plus catastrophique » dans l’État du Darfour septentrional, alors que les attaques meurtrières se poursuivent contre El-Fasher. Le conflit, qui dure maintenant depuis plus de deux ans, a causé la mort de dizaines de milliers de personnes, déplacé 13 millions d’habitants et plongé certaines régions dans la famine, ce que l’ONU qualifie de « pire catastrophe humanitaire » au monde.
L.S.