Sétif : « La littérature algérienne face au discours colonialiste » au centre d’un séminaire
La ville de Sétif, haut lieu de la mémoire nationale, a accueilli dimanche à la maison de la culture Houari-Boumediene le premier séminaire international intitulé « La littérature algérienne face au discours colonialiste ». Cette manifestation intellectuelle d’envergure s’inscrit dans le cadre de la commémoration du 80ème anniversaire des massacres du 8 mai 1945, événement charnière dans l’histoire contemporaine de l’Algérie. Organisée par l’Assemblée populaire communale (APC) de Sétif en coordination avec l’Office de la culture et du tourisme, cette rencontre scientifique mobilise durant trois jours des experts, universitaires, historiens et chercheurs venus d’Algérie, de Tunisie, de Mauritanie et de France. L’ouverture officielle, présidée par le wali Mustapha Limani, a rassemblé un parterre important de personnalités culturelles et scientifiques, soulignant l’importance accordée à cette initiative qui tente de réinterroger le rapport entre production littéraire et résistance au fait colonial. Dans son allocution inaugurale, le chef de l’exécutif local a rappelé la portée historique des événements commémorés, affirmant que les massacres du 8 mai 1945 constituent « une étape décisive de l’histoire de l’Algérie dès lors qu’elle a allumé la première étincelle de la glorieuse Révolution ». M. Limani a souligné que la commémoration de cette date tragique représente « un renouvellement de l’engagement et de la fidélité à ceux qui se sont sacrifiés en écrivant en lettres d’or l’histoire glorieuse de notre nation ». L’écrivain Azzedine Djelaoudji, figure intellectuelle respectée dans le paysage culturel algérien, a livré une analyse géopolitique contemporaine du sujet en estimant que l’actuelle « lutte mondiale pour l’hégémonie a conféré à la culture une importance capitale pour susciter une prise de conscience et répondre aux parties hostiles qui cherchent à déformer l’histoire et porter atteinte aux symboles nationaux ». Puisant dans l’histoire pour éclairer les enjeux présents, il a rappelé que l’occupation française de l’Algérie, qui s’est étendue de 1830 à 1962, a « révélé la grandeur du peuple algérien, sa cohésion et ses grands sacrifices pour la défense de sa terre, de ses valeurs et de ses composantes, et a mis à nu la barbarie des colonisateurs et leurs crimes abjects que l’histoire a inscrits sur des pages de honte durant les massacres du 8 mai 1945 ». Le président de l’APC de Sétif, Hamza Belayat, a quant à lui explicité la philosophie qui sous-tend l’organisation de ce séminaire en précisant que cette rencontre « procède d’une série d’initiatives nationales visant à mettre en exergue le rôle de la littérature algérienne dans la résistance au discours colonial et la lutte contre l’effacement de l’identité nationale ». Cette déclaration s’inscrit dans une démarche plus large de réappropriation et de valorisation du patrimoine culturel et mémoriel algérien, à l’heure où les questions identitaires traversent l’ensemble du monde arabe et africain. Le programme scientifique du séminaire, particulièrement dense, s’articule autour de plusieurs axes thématiques qui seront explorés durant ces trois journées d’études. Les participants se pencheront notamment sur « le discours révolutionnaire dans la littérature algérienne avant le déclenchement de la Révolution », explorant ainsi les racines intellectuelles de la résistance à l’ordre colonial. Ils examineront également « la résistance au discours colonialiste à travers le roman, la poésie et la critique littéraire », mettant en lumière comment les différents genres littéraires ont servi d’armes symboliques dans la lutte pour l’indépendance et l’affirmation identitaire. Un accent particulier sera mis sur « la lecture dans les modèles narratifs algériens qui ont mis en exergue l’acte de résistance et de réécriture de l’histoire », interrogeant ainsi les modalités de la contre-narration face au récit colonial. Enfin, les chercheurs exploreront « l’impact des massacres du 8 mai 1945 sur l’imaginaire littéraire national », analysant comment cet événement traumatique a façonné durablement l’expression littéraire algérienne. Ce séminaire international, qui se déroule à quelques jours de la date anniversaire des massacres, s’inscrit dans un contexte de renouvellement des études postcoloniales et des interrogations sur la décolonisation des savoirs. Il témoigne également de la volonté des autorités locales et nationales de réactiver la mémoire collective à travers le prisme de la production culturelle. Dans cette perspective, les organisateurs ont prévu, en marge des travaux académiques, d’honorer plusieurs personnalités invitées et de leur proposer un circuit touristique leur permettant de découvrir les principaux sites historiques de la ville de Sétif. Cette initiative associe ainsi dimension scientifique et valorisation patrimoniale, créant une synergie entre recherche intellectuelle et tourisme mémoriel dans une ville profondément marquée par l’histoire coloniale et les luttes pour l’indépendance. À l’heure où l’Algérie s’apprête à commémorer solennellement le quatre-vingtième anniversaire des massacres du 8 mai 1945, ce séminaire offre un espace de réflexion précieux sur la manière dont la littérature, dans sa diversité de formes et d’expressions, a constitué et constitue encore un rempart contre les tentatives d’effacement historique et un vecteur puissant d’affirmation identitaire.
M.S.