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Soudan : Port-Soudan sous les frappes de drones pour le troisième jour consécutif

Depuis dimanche, Port-Soudan, ville stratégique située sur la mer Rouge, devenue siège provisoire du gouvernement soudanais et plaque tournante de l’aide humanitaire internationale, subit des attaques de drones répétées attribuées aux Forces de soutien rapide (FSR). Ces frappes sans précédent marquent un tournant dangereux dans le conflit meurtrier qui oppose depuis le 15 avril 2023 l’armée régulière aux paramilitaires des FSR.

Mardi, plusieurs sites stratégiques ont été visés par des drones, provoquant d’importantes perturbations dans la ville. « La section civile de l’aéroport de Port-Soudan a été frappée », a déclaré à l’AFP un responsable aéroportuaire sous couvert d’anonymat, ce qui a entraîné l’annulation de tous les vols au départ et à destination du dernier aéroport opérationnel du pays. Les vols des Nations unies ont également été « temporairement suspendus » selon Farhan Haq, porte-parole du secrétaire général de l’ONU. Presque simultanément, l’hôtel Marina, situé dans le centre-ville et abritant notamment des équipes médicales saoudiennes, a essuyé une attaque, heureusement sans faire de victimes parmi les résidents. Par ailleurs, la principale base militaire du centre-ville, située à proximité de la résidence du général Burhane, a également été bombardée. Plus alarmant encore, des témoins ont rapporté que des drones ont frappé un important dépôt pétrolier près du port maritime aux premières heures de la journée, déclenchant un violent incendie. Selon le ministère soudanais de l’Énergie, « les flammes ont touché le principal dépôt stratégique ainsi que quatre autres réservoirs de pétrole ». Cette attaque a immédiatement provoqué une ruée vers les stations-service encore opérationnelles, les habitants craignant une pénurie imminente de carburant. Pour compléter ce tableau de chaos, la principale sous-station électrique a également été touchée, plongeant la ville dans le noir selon les informations communiquées par la compagnie nationale d’électricité. Le ministre de l’Information soudanais, Khalid al-Aiser, proche du camp militaire, a accusé sans ambiguïté les Émirats arabes unis de fournir les drones utilisés dans cette offensive qu’il qualifie de « terroriste ». Ces accusations interviennent au lendemain du rejet par la Cour internationale de justice d’une plainte déposée par le Soudan contre Abou Dhabi pour complicité de génocide, la Cour s’étant déclarée « incompétente » en raison d’une réserve émise en 2005 par les Émirats sur la Convention des Nations unies sur le génocide. Néanmoins, le ministère soudanais des Affaires étrangères a souligné que cette décision « ne peut en aucun cas être interprétée juridiquement comme un déni des violations ni comme une exonération des Émirats de leur implication dans le génocide ».

Face à cette nouvelle escalade, la communauté internationale s’inquiète. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit « préoccupé » par ces attaques qu’il considère comme « un développement inquiétant qui menace la protection des civils et les opérations humanitaires dans une zone jusqu’à présent épargnée par le conflit dévastateur qui touche de nombreuses parties du pays ». L’Égypte voisine a également exprimé ses préoccupations quant au « danger de cette nouvelle escalade ». Ces inquiétudes sont d’autant plus justifiées que Port-Soudan était devenue un sanctuaire pour des centaines de milliers de déplacés fuyant les zones de combat, ainsi que le point névralgique de la coordination humanitaire dans un pays où la famine a été officiellement déclarée et où près de 25 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire aiguë. Depuis le début du conflit en avril 2023, on dénombre des dizaines de milliers de morts et 13 millions de déplacés, soit près d’un quart de la population soudanaise. L’utilisation croissante de drones par les FSR marque une évolution tactique notable dans ce conflit. Ayant perdu plusieurs positions ces derniers mois, notamment à Khartoum en mars dernier, et ne disposant pas d’aviation conventionnelle, les paramilitaires recourent de plus en plus à cette technologie pour frapper dans les zones contrôlées par l’armée. Ce qui rend ces attaques sur Port-Soudan particulièrement préoccupantes est la distance considérable – environ 650 kilomètres – qui sépare la ville côtière des positions les plus proches des FSR, situées en périphérie de Khartoum. Alors que le Soudan s’enfonce dans la troisième année d’un conflit qui semble sans issue, ces attaques contre le dernier bastion relativement stable du pays font craindre une détérioration encore plus profonde de la situation humanitaire déjà catastrophique.

L.S.

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