Crise politique au Mali: Face aux dérives autoritaires de la junte, l’opposition résiste
La dérive autoritaire de la junte militaire au pouvoir au Mali a franchi un nouveau cap cette semaine avec la suspension par décret des activités de tous les partis politiques et associations à caractère politique sur l’ensemble du territoire national. Cette décision brutale, annoncée mercredi dernier par le chef des putschistes, le général Assimi Goïta, marque une escalade sans précédent dans la répression contre les voix démocratiques et plonge le pays dans une grave crise politique.
Le Collectif des partis politiques pour la Constitution, regroupant une centaine de formations politiques maliennes, a été contraint de reporter à « une très prochaine date » sa manifestation initialement prévue ce vendredi au monument de l’indépendance à Bamako. Une décision difficile mais responsable, motivée par « des manœuvres corroborées, entre autres, par les multiples appels à la violence, les menaces et les insultes proférés sur les réseaux sociaux par deux membres du Conseil national de transition », organe législatif entièrement contrôlé par les militaires. « Les partis politiques pour la Constitution, conscients de leur responsabilité envers la vie humaine, rejettent toute forme de violence et de tueries planifiées », ont-ils déclaré dans un communiqué, tout en réaffirmant leur détermination à « s’opposer fermement aux violations de la Constitution et aux mesures liberticides et antidémocratiques » imposées par la junte. Loin de se résigner face à cette répression croissante, les défenseurs de la démocratie ont immédiatement engagé une procédure judiciaire en urgence pour exiger l’annulation du décret liberticide.
Cette mobilisation s’inscrit dans un contexte où les militaires putschistes, après avoir renversé les autorités civiles lors de deux coups d’État successifs en 2020 et 2021, ont systématiquement violé leurs engagements de rendre le pouvoir aux civils. Alors qu’ils s’étaient formellement engagés à organiser des élections en mars 2024, les militaires se sont maintenus au pouvoir sans présenter de calendrier crédible pour un retour à l’ordre constitutionnel.
Face à ces manquements répétés, une large coalition d’opposition s’est formée pour « exiger la fin effective de la transition politico-militaire au plus tard le 31 décembre 2025 » et réclamer « la mise en place d’un calendrier de retour rapide à l’ordre constitutionnel ». Cette alliance avait déjà réussi à mobiliser plusieurs centaines de manifestants samedi dernier dans les rues de Bamako, malgré l’intimidation et les menaces, démontrant ainsi que la soif de liberté et de démocratie reste vivace au sein de la population malienne.
La répression exercée par la junte a soulevé l’indignation de la communauté internationale. Des experts indépendants mandatés par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies ont vivement condamné cette répression et pressé les autorités militaires d' »abroger immédiatement » le décret liberticide. Ils ont également mis en garde contre le projet de loi du 30 avril qui, s’il était adopté, « mettrait le Mali en contravention avec ses obligations en matière de droits humains, notamment en ce qui concerne les libertés d’association et d’expression ». Eduardo Gonzalez, expert indépendant sur la situation des droits humains au Mali, et ses collègues ont qualifié ces mesures de « violation directe des droits humains fondamentaux ». Ils ont fermement rejeté l’argument fallacieux des putschistes selon lequel ces mesures « visent à mettre fin à la prolifération des partis politiques », rappelant qu' »aucune consultation véritable n’est possible dans le climat actuel de suppression de l’espace civique, où les opposants et les journalistes indépendants ont des raisons de craindre que la liberté d’expression soit sanctionnée ».
L’ONG Amnesty International a également élevé la voix pour dénoncer cette suspension des activités politiques, la jugeant « contraire à la Constitution » adoptée en 2023 par les autorités de transition elles-mêmes. Cette constitution garantit pourtant l’existence des partis politiques et affirme leur droit de « constituer et d’exercer librement leurs activités dans les conditions fixées par la loi ». L’organisation de défense des droits humains a souligné que cette mesure répressive « est incompatible avec les obligations internationales du Mali en matière de droits humains, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ».
L.S.