Musée du Bardo: Voyage dans le temps avec l’art rupestre
Depuis lundi, l’exposition « L’art rupestre, un art d’un autre temps » au Musée national du Bardo à Alger ouvre une fenêtre fascinante sur plus de 10 000 ans d’histoire humaine, révélant les trésors artistiques cachés dans les roches du Sahara algérien.
Cette exposition exceptionnelle, inaugurée en présence du ministre de la Culture et des Arts Zouhir Ballalou, transforme temporairement le musée en véritable machine à remonter le temps, offrant aux visiteurs une plongée spectaculaire dans l’univers mystérieux des premiers habitants de l’Afrique du Nord. Au cœur de cette aventure culturelle se trouvent des pièces d’une valeur inestimable : peintures et gravures rupestres authentiques ainsi que reproductions fidèles provenant des sites légendaires du Tassili N’Ajjer et de l’Atlas saharien. Ces témoins silencieux de civilisations oubliées racontent, par leurs traits gravés dans la pierre, des histoires que les livres d’histoire ne peuvent narrer. Chaque œuvre exposée constitue un fragment d’une épopée humaine grandiose, où nos ancêtres ont laissé leur empreinte artistique sur les parois rocheuses du désert, créant ainsi la première galerie d’art de l’humanité.
La scénographie, conçue avec talent par Safia Boudeheb, transforme la visite en véritable expérience sensorielle. Le parcours guidé invite le public à une immersion totale dans l’univers de ces artistes préhistoriques, révélant progressivement les symboles et traditions qui rythmaient la vie des premiers peuples nord-africains. Cette mise en scène théâtralisée permet de saisir l’importance culturelle et spirituelle de ces expressions artistiques rupestres, bien au-delà de leur simple valeur esthétique. S’exprimant lors de l’inauguration, le ministre Zouhir Ballalou a souligné l’ampleur de cette initiative culturelle, expliquant que l’exposition explore « un art rupestre préhistorique de l’Atlas saharien et du Tassili N’Ajjer en Algérie et révèle un héritage archéologique qui porte un témoignage du passé de l’humanité ». Cette déclaration résume parfaitement l’ambition de cette exposition : dépasser le simple cadre national pour toucher à l’universel, car ces œuvres concernent l’histoire de toute l’humanité. Le timing de cet événement n’est pas fortuit puisqu’il coïncide avec la célébration de la Journée mondiale de l’Afrique, s’inscrivant ainsi dans une démarche de diplomatie culturelle visant à valoriser le patrimoine africain sur la scène internationale.
Le ministre a également profité de cette occasion pour réaffirmer l’engagement ferme de l’État dans la préservation et la valorisation de ce patrimoine rupestre exceptionnel, tout en évoquant un projet ambitieux qui dépasse les frontières nationales. Il a notamment salué « le travail de l’Algérie d’accueillir le Grand musée de l’Afrique » qui aura pour mission de « récupérer des objets d’art de pays africains, pillés lors de la colonisation ». Zouhir Harichane, directeur du Musée national du Bardo, a apporté un éclairage technique précieux sur cette collection remarquable. Il a souligné que l’exposition présente une « collection exceptionnelle » de peintures rupestres et de pétroglyphes originaux qui représentent un « patrimoine artistique et culturel unique, provenant des régions du Tassili N’Ajjer et de l’Atlas saharien algérien ». Son expertise permet de comprendre la valeur scientifique inestimable de ces pièces archéologiques qui, selon ses termes, « offrent des indices précieux sur les modes de vie, la structure sociale, les croyances et les rituels de leurs créateurs et renseignent sur les relations des hommes avec leur environnement ».
Le contenu artistique de l’exposition révèle un bestiaire fascinant et des scènes de vie d’une richesse extraordinaire. Les visiteurs découvriront des représentations saisissantes de la faune sauvage qui peuplait alors le Sahara, bien différent du désert aride d’aujourd’hui, ainsi que des scènes de chasse dynamiques qui illustrent les techniques et stratégies de survie de ces peuples nomades. Les symboles abstraits, plus mystérieux, ouvrent des pistes de réflexion sur les croyances spirituelles et les systèmes de communication de ces civilisations préhistoriques et protohistoriques.
Cette exposition estivale, accessible au public depuis mardi et visible durant tout l’été au Musée national du Bardo, représente une opportunité unique de dialogue entre le passé et le présent. Elle invite chaque visiteur à réfléchir sur ses propres racines et sur la continuité de l’expression artistique humaine à travers les millénaires. Dans un monde en mutation rapide, ces témoignages gravés dans la pierre nous rappellent la permanence de l’art comme langage universel et comme besoin fondamental de l’humanité de laisser une trace de son passage sur terre.
Mohand Seghir