Projection de la version restaurée de « Chronique des Années de Braise » à l’Opéra d’Alger : Un « Prix Lakhdar Hamina pour la création » instauré
L’Opéra d’Alger a accueilli jeudi soir une cérémonie d’exception marquant le cinquantième anniversaire de la consécration de « Chronique des Années de Braise » par la Palme d’Or au Festival de Cannes en 1975. Cette projection de la version restaurée du chef-d’œuvre de Mohamed Lakhdar Hamina, décédé la semaine dernière, a rassemblé les plus hautes personnalités de l’État dans un vibrant hommage au cinéaste qui a porté l’Algérie sur les écrans du monde entier. Organisée par le ministère de la Culture et des Arts, cette soirée exceptionnelle a réuni le président du Conseil de la nation Azouz Nasri, le conseiller du président de la République chargé des affaires politiques Zoheir Bouamama, le ministre de la Culture et des Arts Zouhir Ballalou, le ministre des Moudjahidine Laïd Rebiga, ainsi que les présidents du CNESE et du CNDH.
La soirée a été marquée par l’annonce du ministre de la Culture concernant l’institution du » une distinction qui rendra « hommage à ce réalisateur universel et encouragera les talents et le paysage cinématographique en Algérie qui connaît un essor remarquable ces dernières années ». Cette récompense annuelle distinguera les meilleurs films dans les catégories court et long métrages ainsi que le documentaire, tout en décernant des prix aux meilleurs scénarios, interprétations et réalisations, s’inscrivant dans une démarche de promotion continue de l’art cinématographique algérien. Le ministre Ballalou a rendu un hommage appuyé au défunt réalisateur, le qualifiant de « personnalité exceptionnelle qui a marqué la scène culturelle par sa vision clairvoyante ». Il a souligné que Hamina « a profondément cru en son pays l’Algérie et en a fait sa boussole et son guide » et que ses œuvres « sont ancrées dans la mémoire » collective. Face à cette disparition, le ministre a insisté sur le fait qu’il « nous incombe de préserver et de célébrer son legs », rappelant que l’Institut national supérieur du cinéma de Koléa porte le nom de ce moudjahid et artiste depuis sa création, conformément aux orientations présidentielles. Le public a pu découvrir pendant trois heures la splendeur retrouvée de cette épopée cinématographique grâce aux travaux de restauration financés par l’entreprise « Locas’s Family » dans le cadre du projet « African film heritage ». Cette initiative portée par « World cinema project », la fondation africaine des réalisateurs et l’UNESCO, en coopération avec la cinémathèque de Bologne, témoigne de la reconnaissance internationale de l’œuvre de Hamina et de la nécessité de préserver ce patrimoine audiovisuel exceptionnel pour les générations futures.
La version restaurée a révélé avec une acuité nouvelle les aspects esthétiques de l’image cinématographique sur laquelle le défunt Lakhdar Hamina avait travaillé avec un soin minutieux, dévoilant son génie en tant qu’artisan d’une scénographie inspirante et porteuse d’un discours artistique et poétique d’une profondeur saisissante. Cette restauration permet d’apprécier pleinement la maîtrise technique du réalisateur et sa capacité à transcender le simple récit historique pour créer une véritable œuvre d’art cinématographique universelle.
« Chronique des Années de Braise » demeure une épopée historique bouleversante qui relate la tragédie du peuple algérien et ses conditions de vie sous le joug colonial. Le film dénonce avec force la politique de la terre brûlée utilisée par le colonisateur pour diviser les familles algériennes, les priver de leurs terres ancestrales et leur infliger les pires formes d’injustice et de discrimination. Mohamed Lakhdar Hamina avait filmé ces faits tragiques avec une haute technicité remarquable, mettant particulièrement en avant le processus de formation de la conscience nationale face à l’oppression.
L’œuvre réunit un casting exceptionnel de figures artistiques algériennes, notamment Larbi Zekkal, Hassan El-Hassani, Sid Ali Kouiret, Kalthoum, Nadia Talbi, Yahia Benmabrouk, Cheikh Nourredine et Boualem Rais, qui ont su donner vie aux personnages avec une authenticité et une émotion saisissantes. La soirée s’est enrichie de la projection d’un documentaire de court métrage intitulé « Un homme exceptionnel », produit par la famille du regretté cinéaste, offrant un éclairage intime sur la personnalité et l’œuvre de ce géant du septième art algérien. L’hommage s’est poursuivi avec une lecture émouvante de poèmes populaires extraits des films « Chroniques des Années de Braise » et « Vent de sable », interprétés par les artistes Hassan Kechache et Mohamed Mahboub, créant une atmosphère de recueillement et de célébration digne de l’héritage laissé par le maître disparu.
R.C.