Superstition et charlatanisme dans les médias: La mise en garde de l’ANIRA
L’Autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel (ANIRA) a tiré la sonnette d’alarme ce samedi concernant la prolifération de pratiques médiatiques non professionnelles observées sur certaines chaînes de télévision nationales. Dans un communiqué sévère, l’instance régulatrice dénonce des dérives qui portent atteinte à la conscience des citoyens et compromettent les efforts nationaux de lutte contre la superstition et le charlatanisme. L’ANIRA pointe du doigt plusieurs cas précis qui illustrent ces pratiques déviantes. Elle déplore notamment « la diffusion par la chaîne Ennahar TV d’une déclaration controversée dans le cadre de l’émission Paparazzi », au cours de laquelle « un artiste connu a prétendu être victime de sorcellerie orchestrée par ses collègues pour entraver sa carrière ». L’autorité qualifie cette séquence d' »exploitation flagrante des émotions populaires et d’investissement vulgaire dans la superstition à des fins commerciales ». La chaîne Echorouk News TV n’échappe pas non plus aux critiques de l’ANIRA, qui évoque la diffusion le 17 mai dernier d’un épisode de l’émission « Rak fi Tahqiq » (Tu es dans l’enquête). L’autorité dénonce l’invitation d' »une personne qui manque des rudiments de la science et de l’équilibre, et qui est même incapable de réciter correctement les sourates et versets coraniques ». Elle s’indigne particulièrement des « discours irresponsables et hostiles à la conscience publique » tenus par cet invité, notamment « son affirmation que les pays occidentaux ont progressé grâce à l’exploitation des djinns ». L’ANIRA qualifie ces propos de « dépassement flagrant de la logique et de la raison, et de promotion directe de discours superstitieux contraires aux données scientifiques et aux valeurs religieuses ». Ces pratiques constituent selon l’ANIRA « une violation des exigences du service public ». L’autorité évoque également « une interview spéciale diffusée par la chaîne El Hayat TV le 27 mai, qui a accueilli une personne faisant la promotion de concepts non prouvés scientifiquement ». Elle critique « l’absence de recours à des spécialistes, médecins ou scientifiques, pour présenter l’avis scientifique, ce qui constitue un manquement au devoir d’objectivité ». L’ANIRA souligne que « ces programmes qui consacrent une exploitation éhontée de la souffrance des gens visent en réalité à augmenter les taux d’audience ». Elle avertit qu’ils « ne constituent pas seulement une sous-estimation de l’intelligence des citoyens, mais s’inscrivent dans ce que punit la loi 23-20 encadrant l’activité audiovisuelle ». L’autorité fait référence à l’article 32 qui stipule la nécessité de se conformer aux règles professionnelles, à la déontologie et à l’éthique du métier, insistant sur « l’obligation de ne pas utiliser la religion à des fins contradictoires avec l’exercice de l’activité audiovisuelle ».
L’ANIRA met en garde contre « la fragilité des qualifications académiques et médiatiques de certains animateurs, qui leur permettent de traiter des sujets à caractère social sensible ». Elle dénonce « l’accueil de personnes auxquelles on distribue différents titres, sans tenir compte de leur crédibilité réelle » et alerte sur « l’extrême dangerosité du contenu de ces programmes, qui ne se contentent pas de promouvoir le discours charlatan, mais vont jusqu’à semer les doutes et les accusations ». L’autorité s’inquiète des répercussions de ces pratiques au sein de la famille algérienne et de leur impact sur « l’éducation des générations aux obsessions et superstitions, au lieu de développer l’esprit et la pensée critique ». Elle insiste sur la nécessité de « renforcer la compréhension correcte de la religion », loin de toute « déviation culturelle et éducative dont les conséquences ne sont pas à sous-estimer ».
L’ANIRA met également en garde contre « les répercussions sociales destructrices de ces contenus, qui sortent des normes professionnelles » et précise que « ces contenus ne portent pas seulement atteinte à l’image des médias nationaux, mais servent, intentionnellement ou non, des agendas visant à nuire à la conscience de la société algérienne ». Après avoir « écouté les représentants légaux des chaînes susmentionnées », l’ANIRA exige « l’arrêt de ces pratiques non professionnelles et l’éloignement de toutes formes de folklore médiatique ». Elle appelle les institutions audiovisuelles à « investir sérieusement dans la formation de leurs équipes journalistiques, afin d’améliorer la performance médiatique et garantir un traitement conscient des différents contenus ».
Chokri Hafed