Les « contrebandiers de l’histoire »de Rachid Boudjedra : Un pamphlet au vitriol contre les serviteurs de l’idéologie coloniale
Les éditions Dar El Hikma viennent d’annoncer la parution prochaine des « Contrebandiers de l’histoire », un ouvrage bilingue où le maître des lettres algériennes règle ses comptes avec ceux qu’il considère comme les nouveaux serviteurs de l’idéologie coloniale.
L’écrivain de renommée mondiale Rachid Boudjedra sort de son silence avec un pamphlet au vitriol qui promet de faire trembler le microcosme intellectuel entre les deux rives de la Méditerranée. Dans ce livre, Boudjedra « a choisi que son nouvel ouvrage soit dans le registre du pamphlet, dans lequel il répond aux propos de Boualem Sansal et Kamel Daoud ». Cette fois, l’auteur de « La Répudiation » opte pour la confrontation directe avec ce qu’il qualifie de « littérature coloniale nouvelle qui s’empare de l’histoire, méprise les vérités, dédaigne la culture et ignore même la géographie ».
Le choix de publier simultanément en arabe et en français témoigne de la volonté de Boudjedra de toucher le plus large public possible dans cette bataille idéologique qu’il mène désormais au grand jour. L’ouvrage, édité par Dar El Hikma dont le propriétaire Ahmed Madi préside la corporation nationale des éditeurs de livres, constitue selon l’annonce « la première réaction des élites intellectuelles à la campagne désinformatrice menée par Boualem Sansal et Kamel Daoud, soutenus par les élites coloniales françaises nostalgiques des crimes du colonialisme, qui trouvent appui et soutien auprès de l’extrême droite française ». Cette sortie fracassante de Boudjedra intervient dans un contexte de polémiques récurrentes autour du positionnement de certains intellectuels algériens vis-à-vis de l’histoire coloniale. L’écrivain ne mâche pas ses mots pour dénoncer une instrumentalisation de la littérature au service d’intérêts étrangers. Selon la présentation de l’ouvrage, il s’agit d’une « argumentation littéraire, intellectuelle et culturelle contre les racines de la littérature coloniale qui rêve aujourd’hui de retrouver les phases de mépris des peuples, d’oppression de leur volonté et de confiscation de leur identité ».
Le titre même, « Les Contrebandiers de l’histoire », révèle la charge symbolique de cette entreprise littéraire. Boudjedra y développe une critique acerbe de ce qu’il nomme « la nouvelle littérature coloniale » en dévoilant « les dessous, les arrière-plans et les dimensions du nouveau concept colonial qui chevauche aujourd’hui les slogans démasqués de l’Occident comme la liberté d’expression et de pensée ».
Cette publication s’annonce comme « la réponse dure et révélatrice à ce que tentent de réaliser les élites coloniales qui utilisent des personnages comme Boualem Sansal et Kamel Daoud ». Boudjedra se dresse ainsi pour « concrétiser leurs prétentions réclamant le dialogue et la discussion », tout en se proposant d’exposer au grand jour les mécanismes de cette nouvelle forme de domination culturelle.
L’impact de ce pamphlet promet d’être considérable dans le paysage intellectuel algérien, d’autant que Boudjedra jouit d’une légitimité incontestable acquise au fil de décennies d’engagement littéraire. Son intervention dans ce débat, par la voix autorisée d’un écrivain reconnu internationalement, confère une nouvelle dimension à une polémique qui dépasse désormais le cadre purement littéraire pour toucher aux questions fondamentales d’identité, de mémoire et de souveraineté culturelle. En choisissant l’arme du pamphlet, Rachid Boudjedra entend manifestement porter le fer au cœur d’un débat qu’il estime vital.
Salim Amokrane