Culture

Théâtre régional Mahmoud Triki de Guelma : « Retour à Haïfa » porte la voix de la Palestine

Le théâtre régional Mahmoud Triki de Guelma résonne actuellement des répétitions d’une œuvre particulièrement poignante qui s’apprête à marquer la scène culturelle. « Retour à Haïfa », nouvelle production théâtrale soutenue par le ministère de la Culture et des Arts, s’attaque à l’un des sujets les plus sensibles et universels de notre époque : le drame palestinien depuis la Nakba de 1948. Cette adaptation scénique puise sa force dans l’œuvre littéraire majeure de Ghassan Kanafani, écrivain palestinien né en 1936 et assassiné par des sionistes en 1972, dont le roman éponyme demeure une référence incontournable de la littérature de résistance.

C’est la dramaturge Nassima Louïl qui s’est chargée de transposer ce texte emblématique pour la scène, sous la direction artistique d’Abdelouahab Saïdi. Ce dernier, metteur en scène reconnu, a confié à l’APS que cette adaptation vise à faire découvrir au public algérien « les souffrances du peuple palestinien, les expulsions massives et les pratiques oppressives de l’entité sioniste depuis la Nakba de 1948 ». Le choix de cette œuvre s’inscrit dans une démarche de solidarité culturelle qui dépasse les frontières géographiques pour toucher à l’universel de la condition humaine face à l’injustice et à l’exil forcé.

L’intrigue de cette pièce de théâtre bouleversante suit le parcours tragique de Saïd et Safia, couple palestinien contraint de fuir leur ville natale de Haïfa lors des événements de 1948. Dans la précipitation de l’exode, croyant à un retour imminent, ils abandonnent leur nourrisson Khaled, persuadés de pouvoir revenir « dans quelques jours ». Mais l’histoire en décide autrement, et l’occupation sioniste leur interdit tout retour, séparant définitivement cette famille de son foyer et de son enfant. Ce dernier sera adopté par une famille juive, grandissant dans un environnement qui efface progressivement ses origines palestiniennes.

Le véritable drame commence vingt ans plus tard, en 1967, lorsque les Palestiniens obtiennent enfin l’autorisation de visiter les villes occupées. Saïd et Safia entreprennent alors ce retour tant espéré vers Haïfa, portés par l’espoir de retrouver leur fils. La réalité qui les attend dépasse leurs pires cauchemars : Khaled est devenu un soldat de l’armée d’occupation sioniste, incarnation vivante de la réussite de la politique d’effacement identitaire menée par l’occupant. Ce face-à-face constitue le cœur émotionnel de la pièce, révélant « l’horreur de l’occupation qui s’empare de la terre et sépare l’enfant de sa famille », selon les mots du metteur en scène.

L’adaptation théâtrale, interprétée par quatre comédiens, explore avec finesse les multiples dimensions de ce drame : la situation des réfugiés palestiniens, les mécanismes de la politique d’occupation, l’entreprise systématique d’extirpation de l’identité palestinienne, mais aussi la force de la mémoire et cette nostalgie du retour au pays qui habite chaque exilé. La pièce devient ainsi un combat pour l’identité, une lutte acharnée contre l’oubli et l’effacement, thèmes qui résonnent particulièrement dans un contexte où les questions mémorielles occupent une place centrale dans les débats contemporains.

Abdelouahab Saïdi et son équipe ont fait le choix d’une approche théâtrale qui privilégie l’émotion authentique plutôt que le spectaculaire, permettant au texte de Kanafani de déployer toute sa puissance évocatrice. Cette démarche artistique s’inscrit dans une tradition du théâtre algérien qui n’a jamais hésité à porter les causes justes, particulièrement celle de la Palestine, sujet qui trouve un écho naturel dans l’histoire algérienne de la lutte pour l’indépendance.

Les répétitions, qui se déroulent actuellement dans l’enceinte du théâtre Mahmoud Triki, devraient s’achever courant juillet prochain. La générale de cette production prometteuse sera présentée dans l’un des grands théâtres régionaux des villes voisines, en raison du non-achèvement des travaux de réaménagement du théâtre guelmi. Cette contrainte technique ne devrait pas altérer l’impact de cette œuvre qui s’annonce comme l’un des événements théâtraux marquants de l’année, portant sur scène un message d’humanité et de justice qui transcende les frontières géographiques et temporelles.

M.S.

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