Culture

Ensemble Senâa : Hommage à la figure tutélaire de Mohamed Khaznadji

Le Palais de la Culture Moufdi-Zakaria d’Alger a vibré jeudi soir aux sonorités envoûtantes de la musique andalouse, accueillant un concert exceptionnel qui marquait le premier anniversaire de l’Ensemble Senâa. Cette soirée particulière revêtait une dimension symbolique forte puisqu’elle rendait hommage à Mohamed Khaznadji, figure vénérée et doyen incontesté des maîtres de ce patrimoine musical millénaire. L’événement, organisé avec le soutien conjoint du ministère de la Culture et des Arts et de celui de la Jeunesse, témoignait de la vitalité persistante de cet art savant qui continue de fasciner les mélomanes algériens. Deux prestigieuses associations algéroises de musique andalouse se sont partagé la scène devant un public nombreux et conquis. L’association des Beaux Arts, dirigée par El Hadi Boukoura, et l’Ensemble Senâa, conduit par Seddik Mekhiouba qui cumule les fonctions de directeur artistique et de président de cette formation qu’il a créée, ont conjugué leurs talents pour offrir une prestation d’une rare qualité. 

La soirée s’est enrichie de la présence de voix remarquables, notamment celle d’Abdelmadjid Boumaza, professeur respecté à l’association des Beaux Arts d’Alger, et de M’Barek Dekhla, ténor de renom originaire d’Annaba. Ce dernier avait particulièrement tenu à participer à cet hommage au Maître Mohamed Khaznadji, apportant les subtilités du Malouf en contrepoint du Gharnati de Tlemcen qui incarne l’école de l’Ouest du pays. L’ouverture du concert fut confiée à Belkacem Boutka et sa troupe Zorna Boutka, formation qui perpétue depuis quatre générations la beauté patrimoniale et l’originalité de ce legs ancestral. Cette entrée en matière, applaudie chaleureusement, préparait l’atmosphère pour la suite du programme. Sous les regards attentifs de Mohamed Khaznadji lui-même, installé au premier rang aux côtés du comédien Athmane Bendaoud et du chanteur chaâbi H’cissen Saâdi, la trentaine d’instrumentistes dirigée par El Hadi Boukoura fit son apparition sur scène, accueillie par les applaudissements et les youyous enthousiastes du public.

Le violoniste El Hadi Boukoura donna alors le signal d’une prestation époustouflante qui revisitait le mode Raml el maya pour en extraire la quintessence mélodique. Les musiciens de l’association des Beaux Arts interprétèrent avec maîtrise les pièces « Li Allah Wekelt amri » dans le style aroubi et « Ma rit fel’m’lah » en version hawzi, avant d’enchaîner sur plusieurs kh’lasset dont « Laâiba el horo biya » et « Koum Tara ». La conclusion de leur prestation avec la taâlila « Mohamed Mohamed » revêtait une signification particulière, comme l’expliqua El Hadi Boukoura qui témoigna que cette pièce constituait « un clin d’œil au regretté Noureddine Saoudi (1954-2024) qui souhaitait voir les associations de musique andalouse clore leurs prestations avec l’expression de l’admiration et de l’adoration du Prophète Mohamed ».

L’Ensemble Senâa prit ensuite le relais avec sa vingtaine d’instrumentistes pour présenter un programme prolifique dans le mode Mezmoum. Les auditeurs purent savourer une succession de pièces remarquables incluant « Ana ôchqati fi soltane », « Afnani dhal’hob », « Li Allah ma asâb arrahil », « Dir ya nadim », « Sahi hana el waqt », « Ya rohi wa ya ray’hani », « Ya moqabil » et « Koudoum el habib ». Cette formation originale présente la particularité de rassembler quatre générations de musiciens et chanteurs, symbole vivant de la transmission intergénérationnelle qui caractérise cet art. L’amplitude de cette diversité s’illustrait parfaitement avec d’un côté la petite Leila Bey, âgée de seulement cinq ans, qui interpréta avec une assurance et une théâtralité remarquables « Ma kountou adri » dans le style kadiriya, et de l’autre Achour Tchambaz au luth, artiste chevronné fort d’une grande et longue expérience.

M’Barek Dekhla enchanta ensuite l’assistance avec ses interprétations de « Bellahi ya hamami » et « Bellah ya banou el werchane », prestations très appréciées du public. Le professeur Boumaza clôtura cette séquence vocale en déployant sa voix pleine dans le mode Zidène pour rendre les pièces « Ya Mohamed Ya Sid Ahmed », « Ya bab Enniâm », « Bism Allah b’dit en’zemmem », « Ya kouma sallou » et « Qalbi ma wella ».

Le public, savourant chaque instant de cette soirée exceptionnelle, réserva de longs applaudissements aux différents prestataires, notamment au jeune pianiste Ayoub Rouab, virtuose promis à une belle carrière, et au percussionniste chevronné Abdelghani Halouat, élève de Debbah Alilou, dont les prouesses techniques obéissent à une rigueur rythmique d’une régularité métronomique impressionnante.

Seddik Mekhiouba, président et directeur artistique de l’association Senâa, rappela que l’ensemble qu’il dirige avait été créé il y a exactement un an « à la mémoire du Cheikh Mohamed Ben Ali Sfindja (1844-1908) », grande figure artistique qui marqua profondément l’histoire de la musique andalouse. La soirée se conclut par la remise de distinctions et de trophées de reconnaissance au grand maître Mohamed Khaznadji ainsi que d’autres prix honorifiques aux différents participants de cette belle célébration musicale, consacrant une fois de plus la vitalité et la pérennité de ce patrimoine musical précieux.

M.S.

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