Le projet de loi relatif à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent devant l’APN: Ce qui va changer
Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Lotfi Boudjemaa, a présenté dimanche devant l’Assemblée populaire nationale un projet de loi relatif à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une démarche globale visant à moderniser le système juridique national et à renforcer la coopération internationale dans ce domaine crucial.
Lors de la séance plénière présidée par Brahim Boughali, président de l’Assemblée, et en présence de la ministre des Relations avec le Parlement, Kaouter Krikou, le ministre de la Justice a souligné que la lutte contre ce type de crimes « exige l’adaptation continue du cadre juridique y afférent afin de l’aligner sur les normes internationales, notamment les 40 recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) ». Il a précisé que ce texte, dans sa version amendée, « vient en application des instructions du président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, qui a ordonné la mise en œuvre des recommandations du GAFI afin que ses réserves soient levées ». Le projet de loi prévoit notamment de charger la Commission nationale d’évaluation des risques de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme et de financement de la prolifération des armes de destruction massive de « prendre les mesures nécessaires permettant l’identification et l’évaluation de ces risques auxquels l’Algérie est confrontée » et de « mettre les résultats de ces évaluations à la disposition des autorités compétentes ». Les propositions d’amendement comprennent également l’application des dispositions relatives à l’interdiction de l’activité des personnes et entités terroristes figurant sur la liste nationale, avec la prise de mesures de gel ou de saisie de leurs fonds.
Le texte propose par ailleurs plusieurs mesures visant à renforcer les dispositions relatives à la constatation des crimes par les officiers de la police judiciaire et les juridictions, avec la possibilité de créer des équipes d’enquête conjointes, permanentes ou temporaires, pour mener des enquêtes spécialisées, notamment financières, ou des enquêtes communes avec les autorités compétentes d’autres pays. Le projet de loi propose également de durcir les peines pour certains crimes afin qu’elles soient adaptées à la gravité des faits incriminés.
S’agissant du renforcement de la coopération internationale, le projet engage les autorités compétentes à coopérer et à échanger les informations avec leurs homologues à l’étranger, spontanément ou sur demande, conformément aux accords bilatéraux et multilatéraux et aux engagements internationaux de l’Algérie. Dans ce contexte, le ministre Boudjemaa a affirmé que « l’Algérie est déterminée à activer tous les mécanismes de coopération internationale pour détecter les opérations suspectes, collecter les preuves contre les auteurs et confisquer les revenus des activités criminelles ».
Cette démarche s’inscrit dans le cadre de « la concrétisation de l’un des objectifs du programme présidentiel visant à moraliser la vie publique ». Le ministre a souligné que « la pratique judiciaire au cours des cinq dernières années a confirmé le lien entre le blanchiment d’argent et la criminalité grave, notamment la corruption dans toutes ses formes, le trafic de drogue, la contrebande et le terrorisme », ajoutant que « les criminels cherchent toujours à dissimuler l’origine des fonds obtenus par des moyens détournés via des procédés juridiques et financiers transnationaux complexes et le recours aux paradis fiscaux ». Pour faire face à ces défis, le ministre a estimé qu’il est impératif d’œuvrer « en continu à adapter et à actualiser le système juridique national afin qu’il soit en phase avec l’évolution que connait la criminalité sous toutes ses formes à l’échelle internationale et de veiller à la modernisation de l’organisation et de la gestion des instances chargées de la lutte contre la criminalité, notamment le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ».
Boudjemaa a mis en avant « les efforts considérables » consentis par l’État en vue de parachever le système national de prévention contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, dans les domaines législatif, réglementaire ou logistique, ou dans le cadre de la coopération internationale. Il a salué l’adhésion de toutes les institutions de l’État à cette démarche, notant que « le nombre d’enquêtes financières a été systématiquement augmenté, impliquant une hausse du nombre d’affaires de blanchiment d’argent liées aux revenus provenant des crimes constituant une menace grave ».
Le ministre a également révélé que « les mesures appropriées ont été prises, en parallèle, pour renforcer l’intégrité des responsables, des gestionnaires et des bénéficiaires effectifs des banques et des institutions financières », notamment « en permettant aux services concernés de la Banque d’Algérie de consulter la base de données du casier judiciaire », conformément à un accord signé récemment. Il a également annoncé que « la signature d’un protocole d’accord avec la Commission d’organisation et de surveillance des opérations de bourses (COSOB), est en cours de préparation ».
Parmi les mesures concrètes adoptées, le ministre a évoqué la création du Registre national des bénéficiaires effectifs au niveau du Centre national du registre de commerce, ainsi que le développement d’une application dédiée à la rétroaction qui relie le ministère de la Justice à la cellule de traitement des renseignements financiers. Il a également rappelé la création et l’activation en 2020 du pôle pénal, économique et financier compétent, ce qui a permis « la centralisation de la ressource humaine spécialisée en la dotant des outils juridiques à même d’assurer l’efficacité dans la détection des crimes et l’arrestation de leurs auteurs ».
Ces initiatives témoignent de la volonté de l’Algérie de se conformer aux standards internationaux et de renforcer son dispositif de lutte contre les crimes financiers, dans un contexte où la criminalité transfrontalière nécessite une réponse coordonnée et efficace des autorités nationales et internationales. Samir Benisid