Tensions entre Alger et Paris : Nouvelles dissensions au sein du gouvernement français
Les tensions diplomatiques entre Alger et Paris continuent d’alimenter les dissensions internes au sein de l’exécutif français, révélant une fois de plus l’absence de stratégie cohérente de la France face à la crise qui perdure depuis bientôt une année. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et son homologue des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se livrent à nouveau à une passe d’armes publique sur le dossier algérien, exposant au grand jour les divergences profondes qui traversent le gouvernement français.
Bruno Retailleau s’est nouveau lancé dans une nouvelle charges avec l’Algérie et a ouvertement voulu alimenter de nouvelles tensions en affirmant que « la diplomatie des bons sentiments a échoué », plaidant pour un changement radical d’approche avec l’Algérie dans un entretien au « Figaro ». Le président du parti Les Républicains, qui avait observé un silence relatif ces dernières semaines, revendique désormais ouvertement une politique de confrontation, affirmant être « prêt depuis le début de cette crise » à assumer « un rapport de force que le pouvoir algérien a lui-même choisi ». La riposte de Jean-Noël Barrot ne s’est pas fait attendre. Sur la plateforme X, le ministre des Affaires étrangères a vertement recadré son collègue en déclarant qu’il n’existe « ni diplomatie des bons sentiments, ni diplomatie du ressentiment, mais juste la diplomatie ». Cette formule lapidaire traduit l’exaspération du Quai d’Orsay face aux incursions répétées de Retailleau sur un terrain qui ne relève pas de ses prérogatives. Déjà en janvier dernier, Barrot avait dû rappeler que « c’est au Quai d’Orsay, sous l’autorité du président de la République, que se forge la politique étrangière de la France ».
L’acharnement de Bruno Retailleau à vouloir durcir la position française s’explique en partie par des considérations politiques internes. Après avoir reçu des instructions de s’effacer du dossier algérien, le ministre de l’Intérieur a vu sa popularité chuter dans les sondages auprès de l’électorat de droite radicale, précisément depuis qu’il a cessé de tenir des propos belliqueux envers l’Algérie. Ses déclarations récentes visent manifestement à reconquérir cet électorat en vue de l’échéance présidentielle de 2027.
Retailleau annonce de nouvelles mesures de rétorsion contre l’Algérie. Il réitère également son souhait de dénoncer l’accord franco-algérien de 1968, tout en reconnaissant que cette décision ne relève pas de ses compétences mais de celles du président de la République. Au niveau européen, il affirme même travailler sur le blocage des négociations en cours sur l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne. Cette cacophonie française intervient paradoxalement au moment où des signes timides de rapprochement semblaient émerger. La célébration de la fête nationale française à l’ambassade de France à Alger le 14 juillet, en présence du secrétaire d’État algérien chargé de la communauté nationale à l’étranger Sofiane Chaib, avait été perçue comme un geste d’apaisement mutuel. Le discours prononcé par le chargé d’affaires français Gilles Bourbao au nom de l’ambassadeur Stéphane Romatet appelait à « retrouver la voie de l’apaisement » et exprimait une volonté « intacte » de surmonter les difficultés.
Cependant, comme cela est devenu une constante dans cette crise, chaque tentative diplomatique d’apaisement est rapidement suivie de déclarations belliqueuses qui relancent les tensions. L’attitude de Bruno Retailleau illustre parfaitement cette dynamique destructrice qui empêche toute normalisation des relations bilatérales. En annonçant qu’il rencontrera Emmanuel Macron la semaine prochaine pour plaider en faveur d’un durcissement de la position française, le ministre de l’Intérieur maintient l’escalade des tensions sur un dossier qui nécessiterait pourtant davantage de subtilité diplomatique que de postures martiales.
Salim Amokrane