L’Algérie traque 335 dossiers de corruption à l’étranger : La chasse aux milliards détournés s’intensifie
L’Algérie intensifie sa lutte acharnée contre la fuite des capitaux et la récupération des biens détournés à l’étranger par les oligarques condamnés pour corruption.
Lors de la célébration de la Journée africaine de lutte contre la corruption, le ministre de la Justice, Lotfi Boudjemaa, a dévoilé des chiffres qui illustrent la détermination des autorités à traquer les revenus criminels jusqu’aux confins de la planète. Avec « 335 demandes d’entraide judiciaire internationale adressées à 32 pays », l’Algérie déploie une stratégie globale pour « tracer, geler et confisquer les revenus criminels », démontrant ainsi que la corruption n’a plus de refuge sûr, même au-delà des frontières nationales. Cette offensive judiciaire, menée sous forme de « commissions rogatoires internationales », s’accompagne de « 53 demandes pour la récupération d’avoirs auprès de 11 pays, dont un pays africain », selon le ministre Boudjemaa, témoignant d’une approche méthodique et ciblée dans la traque des biens détournés. Le ministre a précisé que « les réponses des autorités judiciaires sollicitées varient d’un pays à l’autre », soulignant les défis auxquels fait face l’Algérie dans cette bataille juridique internationale où la coopération reste inégale selon les juridictions contactées.
Au cœur de cette offensive, la récupération des avoirs détournés constitue désormais « un devoir souverain non négociable », selon les termes de la présidente de la Haute autorité de transparence, Salima Mousserati, qui rappelle que le président Abdelmadjid Tebboune a fait de cette mission une priorité absolue dès son élection. Cette philosophie repose sur un principe fondamental : « les deniers publics appartiennent au peuple et toute tentative de détournement ou de transfert illicite de ces derniers constitue un crime à la fois contre l’Etat et contre la société ». Cette approche révèle une conception renouvelée de la souveraineté économique, où la protection du patrimoine national s’étend désormais au-delà des frontières traditionnelles. L’Algérie a ainsi « intensifié les démarches non-officielles en adhérant à plusieurs réseaux internationaux », explique le ministre Boudjemaa, notamment l’Initiative StAR de la Banque mondiale, le Forum mondial sur le recouvrement d’avoirs, le Réseau opérationnel mondial des autorités spécialisées dans la lutte contre la corruption, et plus récemment le Réseau inter-agences pour le recouvrement des avoirs au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Ces adhésions stratégiques ont « donné un élan significatif aux demandes de récupération, après la tenue de rencontres bilatérales avec les Etats concernés », précise-t-il, démontrant l’efficacité d’une diplomatie spécialisée dans la traque des biens détournés.
La complexité de cette entreprise nécessite une coordination minutieuse entre différents acteurs institutionnels, notamment « la commission nationale d’experts chargée de la récupération des fonds détournés vers l’étranger, qui coordonne les efforts entre les différents intervenants ». Cette structure spécialisée assure « un suivi continu » des dossiers de récupération, organisant des « rencontres périodiques par visioconférence avec les représentants des pays sollicités » et déployant des délégations d’experts dans les pays concernés. Ces initiatives s’accompagnent de « démarches diplomatiques entreprises pour sensibiliser les représentants des autorités étrangères à l’importance de cette démarche », révélant une stratégie qui combine expertise technique et diplomatie active. Le ministre Boudjemaa a d’ailleurs souligné que ces actions avaient déjà « permis la récupération de plusieurs biens et fonds », sans toutefois préciser les montants concernés, témoignant néanmoins de premiers résultats concrets dans cette bataille de longue haleine.
Champion africain anticorruption
Cette offensive s’inscrit dans une vision continentale plus large, l’Algérie s’érigeant en champion africain de la lutte anti-corruption. Salima Mousserati a ainsi mis en avant « le rôle de l’Algérie dans la promotion des principes de prévention et de lutte contre la corruption en Afrique, à travers plusieurs initiatives et une vision claire fondée sur le renforcement de la coopération régionale et l’échange d’expertises ». Cette ambition continentale se traduit par un engagement actif dans « l’Association des autorités anti-corruption d’Afrique » et un partage constant de « son expérience nationale en matière de transparence et de contrôle avec ses partenaires africains ». L’objectif affiché est ambitieux : « construire un système africain unifié et efficace en matière de prévention et de lutte contre la corruption » et « ancrer le principe d’une Afrique unie contre la corruption ». Cette vision panafricaine répond à un constat pragmatique : les réseaux de corruption dépassent largement les frontières nationales et nécessitent donc une réponse coordonnée à l’échelle continentale.
Malgré ces avancées significatives, l’Algérie fait face à des « obstacles » considérables dans sa quête de récupération des avoirs détournés. Le ministre de la Justice a notamment évoqué « la complexité des procédures judiciaires des Etats concernés et la multiplicité des intervenants » impliquant à la fois « autorités judiciaires et instances diplomatiques ». Ces difficultés illustrent les défis inherents à la coopération judiciaire internationale, où les systèmes juridiques divergents et les intérêts géopolitiques peuvent entraver la fluidité des procédures. Pour surmonter ces obstacles, l’Algérie mise sur « l’importance de poursuivre les efforts collectifs en Afrique, à travers le renforcement des mécanismes de coopération, notamment pour la récupération des fonds détournés, l’échange d’informations, l’entraide judiciaire et l’activation des accords bilatéraux et multilatéraux », souligne Mme Mousserati. Cette stratégie multilatérale vise à « asseoir des mécanismes efficaces et innovants qui permettent aux pays africains de tracer et de récupérer les fonds détournés, en vue de financer des projets de développement au service des citoyens africains », ajoute-t-elle, transformant ainsi la lutte anti-corruption en levier de développement continental. L’enjeu dépasse largement la simple récupération financière : il s’agit de « rétablir la confiance dans les institutions de l’Etat » et d’ancrer « la culture de la probité au sein des sociétés » africaines, selon la présidente de la Haute autorité, faisant de cette bataille judiciaire un véritable projet de société.
Hocine Fadheli