L’archéologue Mohamed Sahnouni à la Radio algériennes: Faire des sites archéologiques des ressources pour le développement
Le spécialiste en archéologie préhistorique, le professeur Mohamed Sahnouni, propose de transformer les sites archéologiques classés en ressources pour le développement des régions locales, à l’image du parc de l’Ahaggar ou du site d’Ain Hanech à Sétif.
Dans un entretien au service multimédias de la Radio algérienne, Sahnouni a présenté des exemples réussis dans ce domaine, notamment le site d’Altamira en Espagne qui attire des milliers de visiteurs chaque année, générant des revenus considérables qui se répercutent positivement sur la région locale où se trouve le site archéologique et sur l’économie espagnole. Selon l’archéologue, « l’Algérie possède des dizaines de sites archéologiques dans lesquels nous pouvons investir tout en préservant leur valeur archéologique et historique ». Il insiste sur la nécessité d’accélérer l’exploitation des sites archéologiques si l’Algérie souhaite faire connaître davantage son patrimoine civilisationnel.
Concernant la réécriture de l’histoire préhistorique algérienne, Sahnouni explique : « Nous, en tant qu’archéologues et spécialistes de la préhistoire, vers la fin des années 1980 et le début des années 1990, moi et quelques collègues avons commencé à réétudier l’un des sites qui remontent à la préhistoire ». Il précise que ce travail de recherche s’est concentré sur deux régions principales : Ain Hanech dans la commune d’El Eulma, wilaya de Sétif, et le site de Tighennif dans la wilaya de Mascara.
Le site d’Ain Hanech, découvert en 1949 mais n’ayant pas bénéficié d’une étude scientifique précise, « s’étend sur au moins trois kilomètres carrés » et révèle une occupation humaine continue. « Le niveau de fouille le plus ancien que nous avons date de 2,4 millions d’années », indique le chercheur, ajoutant que ce travail s’est étalé sur trente ans selon une méthodologie moderne basée sur le travail de terrain et de laboratoire dans un cadre pluridisciplinaire. Grâce à ces recherches, « nous avons pu établir que la présence humaine la plus ancienne en Algérie remonte à 2,4 millions d’années, faisant de l’Algérie l’un des berceaux de l’humanité au même titre que l’Afrique de l’Est et l’Afrique du Sud ». Le site révèle plusieurs niveaux d’occupation : 2,4 millions d’années, puis 1,9 million d’années, 1,8 million d’années, et la civilisation acheuléenne datée de 1,67 million d’années.
Concernant l’enrichissement des musées, Sahnouni affirme : « Nous avons été parmi les premiers à introduire des pièces archéologiques nouvelles, documentées par des méthodes scientifiques précises dans les musées ». Il cite notamment le Musée national du Bardo et le Musée national de Sétif, où ont été organisées des expositions sur « les premiers habitants de l’Algérie, quand ils sont apparus, dans quel environnement ils vivaient, quelle technologie ils utilisaient ».
L’archéologue souligne l’importance économique potentielle de ces découvertes : « Dans les pays du Nord comme l’Europe, l’Espagne, le Portugal, la France, l’archéologie est considérée, en plus de l’étude de l’histoire et des civilisations, comme un moteur socio-économique, particulièrement dans les régions où se trouvent ces trésors ». Il cite l’exemple de Lascaux en France, où « ils ont préservé la grotte et créé des répliques pour que les visiteurs puissent la visiter, car il y avait un afflux énorme de touristes de toute la France et de toute l’Europe ».
Pour l’Algérie, Sahnouni propose des modèles concrets : « Le parc du Tassili peut devenir une ressource pour le développement économique et social de cette région. Les touristes viennent de France pour le Tassili, en plus de l’art rupestre qui s’étend sur des centaines de kilomètres ». Il suggère également de transformer le site d’Ain Hanech en « parc archéologique » avec un petit musée sur site, permettant aux visiteurs de découvrir le plus ancien site archéologique d’Algérie. Le chercheur conclut en évoquant les projets futurs : une nouvelle campagne de fouilles à Ain Hanech et la poursuite des recherches à Tighennif, où « nous avons découvert un nouveau niveau archéologique très ancien » qui pourrait dater de plus d’un million d’années, confirmant l’ancienneté exceptionnelle de la présence humaine en Algérie et son potentiel en tant qu’attraction touristique et scientifique internationale.
Mohand Seghir