L’allocation touristique de 750 euros est entrée en vigueur dimanche : Le marché parallèle des devises sous pression !
La nouvelle allocation touristique revalorisée à 750 euros, annoncée en Conseil des ministres le 8 décembre 2024 sur décision du président de la République Abdelmadjid Tebboune, est entrée en vigueur dimanche et a immédiatement produit des effets spectaculaires sur le marché parallèle des devises.
Cette mesure, attendue depuis sept mois, répond à un besoin effectif des citoyens algériens tout en exerçant une pression significative sur les circuits informels de change, témoignant d’une politique monétaire qui trouve enfin un écho positif auprès de la population.
L’impact le plus visible de cette décision se manifeste dans la chute progressive mais constante des principales devises sur le marché noir. Au square Port-Saïd, principale place de change parallèle d’Alger, la monnaie unique européenne a entamé une descente remarquée dès l’annonce officielle de l’application du nouveau montant. Ce lundi, l’euro a encore perdu un demi-dinar par rapport à sa valeur de la veille, chutant de 257 à 256 dinars algériens. Cette baisse s’inscrit dans une tendance amorcée jeudi dernier, lorsque l’euro valait encore 263,5 dinars sur le marché noir. Samedi, il avait déjà baissé à 260 dinars, puis à 257 dinars dimanche, marquant une érosion constante qui témoigne de l’efficacité immédiate de la mesure gouvernementale.
Le dollar américain suit la même trajectoire descendante, passant de 226,5 dinars samedi à 225 dimanche, puis à 224 ce lundi. Le fait est aussi que certains détenteurs de devises qu’ils considéraient comme des valeurs refuges s’empressent de les céder par peur de voir le marché s’effondrer. Les offres de vente de devises se multiplient d’ailleurs sur les réseaux sociaux.
Il convient de rappeler que ce recul survient après plusieurs semaines de flambée entamée avec le début de la saison estivale et des départs en vacances, l’euro ayant même enregistré un pic historique sur le marché algérien le 10 juillet, à 265 dinars.
L’effet de cette politique se ressent également dans d’autres régions du pays, notamment à Annaba où l’activité des changeurs clandestins de la rue Gambetta et de la rue Maillot a été sensiblement réduite. Lundi, les opérateurs qui continuaient à travailler proposaient les 100 euros à 25000 dinars algériens et même à 24000 dinars algériens, alors qu’ils étaient cédés à 26300 dinars algériens auparavant. Cette baisse, bien que légère par rapport à jeudi, pourrait se poursuivre au fil des jours, selon les observations des professionnels du secteur.
L’impact est aussi palpable sur la valeur du dinar tunisien principale destination des vacanciers algérien, où les 100 dinars tunisiens, qui s’échangeaient il y a quelques jours à 7600 dinars algériens, n’en valent plus que 7000. Cette évolution s’explique par le fait que les voyageurs constituent une part importante de la clientèle du marché parallèle, et leur accès désormais facilité aux devises au taux de change officiel réduit mécaniquement la demande sur le marché informel.
Cette nouvelle allocation touristique, fixée à 750 euros ou équivalent en devise librement convertible pour les personnes âgées de 19 ans et plus, et à 300 euros pour les personnes âgées entre 12 et moins de 19 ans dans la limite de deux enfants par famille, représente une multiplication par sept de l’ancien montant de 100 euros. Ce droit de change, attribué une seule fois par an pour un séjour d’une durée minimale de sept jours, reste exclusivement réservé à son bénéficiaire et témoigne d’une volonté politique de normaliser l’accès aux devises pour les besoins légitimes des citoyens.
Rush sur les postes frontaliers
L’application concrète de cette mesure a immédiatement mobilisé les autorités locales, particulièrement dans les zones frontalières stratégiques comme la wilaya d’El Tarf. Dès l’entrée en vigueur de la revalorisation, les autorités se sont mobilisées pour assurer le bon déroulement de l’opération dans les postes frontaliers, selon une source douanière. Mohamed Meziane, wali d’El Tarf, accompagné du directeur général de la Banque Nationale d’Algérie et de plusieurs responsables, a effectué une visite d’inspection aux postes frontaliers d’Oum Teboul et Laâyoune, situés à l’extrême Est du pays.
Cette inspection s’est révélée nécessaire car, selon la même source, « à peine l’entrée en application la nouvelle allocation touristique, annoncée via les médias que les deux postes frontaliers ont été pris d’assaut, en quête de cette allocation de 750 euros ». Cette affluence s’explique d’autant plus que ces deux points de passage constituent les plus fréquentés de la zone est du pays, notamment en cette période de haute saison touristique. Pour la circonstance, le wali d’El Tarf a donné une série d’instructions, insistant sur la nécessité d’assurer la présence du personnel chargé de cette mission, de garantir un bon accueil aux voyageurs et de veiller au respect des modalités d’exécution de cette opération. Ces précautions témoignent de l’importance accordée par les autorités à la réussite de cette réforme et de leur volonté d’éviter tout dysfonctionnement susceptible de ternir l’image de cette mesure populaire.
Les modalités d’attribution de cette allocation restent strictement encadrées pour éviter tout détournement. « Le montant en dinars, calculé selon le cours de change manuel de vente du jour de l’opération, doit être réglé au plus tard trois jours ouvrés avant la date du voyage, auprès des agences bancaires ou des succursales de la Banque d’Algérie, sur présentation d’un dossier comprenant un passeport en cours de validité, un titre de transport aller/retour ou quittance de voyage terrestre, ainsi qu’un visa valide selon le cas ».
Les dispositions prévoient également des sanctions dissuasives pour éviter les abus. « Tout bénéficiaire d’un droit de change qui annule son voyage ou effectue un séjour effectif inférieur à sept jours doit restituer la totalité du montant perçu dans un délai de cinq jours ouvrés suivant son retour », et en cas de non-respect, l’intéressé « encourt la suspension du droit de change pendant cinq ans, assortie, le cas échéant, de poursuites pénales ».
Le nouveau dispositif impose par ailleurs aux banques la vérification que le demandeur n’a pas déjà bénéficié d’un droit de change au cours des 12 mois précédents, et qu’il a effectivement voyagé à l’étranger s’il a perçu un droit de change lors de la période précédente. Ces contrôles croisés garantissent l’intégrité du système et évitent les détournements.
Cette réforme s’inscrit dans une logique économique plus large visant à réduire la pression sur le marché parallèle tout en répondant aux aspirations légitimes des citoyens algériens en matière de voyages, qu’ils soient destinés aux soins médicaux ou aux séjours touristiques. L’allocation touristique permet désormais aux voyageurs de couvrir plus aisément leurs dépenses à l’étranger, marquant une évolution significative dans la politique de change du pays et témoignant d’une approche pragmatique face aux réalités économiques contemporaines.Sofia Chahine