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Tensions dans les relations algéro-françaises : Bruno Retailleau « est responsable ! »

Un an après l’éclatement de la crise diplomatique entre la France et l’Algérie, les tensions continuent de s’exacerber. Le sénateur écologiste français d’origine algérienne, Akli Mellouli, vice-président de la Commission des affaires étrangères et de défense du Sénat, désigne clairement le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau comme principal responsable de cette dégradation des relations bilatérales.

Interrogé lundi soir dans l’émission One 2 One sur la chaîne algérienne One TV, lors d’une mission parlementaire en Algérie aux côtés de la députée Sabrina Sebaihi, Mellouli n’a pas mâché ses mots. « Mais bien sûr, la surenchère rend responsable. Il est d’ailleurs ministre de l’Intérieur, qu’il fasse son travail de ministre de l’Intérieur », a-t-il déclaré, reprochant à Retailleau de « donner le ton et de s’occuper des affaires étrangères, même parfois au mépris du droit ».Depuis son arrivée à la tête du ministère de l’Intérieur en septembre 2024, Bruno Retailleau a effectivement multiplié les déclarations controversées concernant l’Algérie, empiétant régulièrement sur les prérogatives diplomatiques de son collègue des Affaires étrangères. Le sénateur Mellouli dénonce particulièrement la méthode employée par le ministre pour l’expulsion des ressortissants algériens. « Quand il propose une liste en disant à l’Algérie, on va lui proposer une liste de personnes pour qu’elle les reprenne, c’est contraire au droit européen. C’est nominatif. Ce sont des personnes, des êtres humains. On ne parle pas de colis qu’on doit renvoyer à l’expéditeur », s’indigne-t-il. Pour Mellouli, cette approche est non seulement illégale mais également inhumaine : « Les listes nous renvoient à des périodes sombres de l’histoire. Chaque situation doit être traitée individuellement. Sinon, ça nous renvoie à une autre époque plus sombre de l’histoire», faisant un line subtile avec les pratiques nazies.

Le sénateur revient également sur l’affaire de l’influenceur algérien Doualemn, qui avait provoqué un pic dans les tensions franco-algériennes en janvier dernier. « J’ai rencontré la présidente du tribunal de Melun et elle avait raison, car elle a traité l’affaire en droit, vu que l’individu disposait d’un titre de séjour et qu’il ne pouvait pas recevoir une OQTF sans suivre la procédure qu’il faut », explique-t-il, soulignant que la justice française elle-même avait tranché en faveur du maintien de l’influenceur sur le territoire. Concernant l’exécution des Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF), Akli Mellouli défend la position algérienne : « L’Algérie ne fait pas moins bien que les autres pays. Elle fait parfois même mieux. » Il estime que les critiques récurrentes contre l’Algérie relèvent davantage de la manipulation politique que de la réalité factuelle.

Dans l’intérêt e qui ?

« En vérité, on est en train d’agiter un épouvantail, mais dans l’esprit de ceux dont la guerre d’Algérie n’est pas passée. On est en train de caresser le Front National nostalgique de l’Algérie française dans le sens du poil », analyse le sénateur. Il va plus loin en questionnant les véritables motivations de ces attaques : « En tout cas, je ne sais pas pour quel intérêt ces personnes roulent. Ce qui est sûr, c’est qu’ils ne roulent ni dans l’intérêt de la France ni dans l’intérêt des deux pays. Parce que l’intérêt de la France, c’est d’avoir une relation apaisée et saine avec l’Algérie. » Le parlementaire français plaide pour une reprise du dialogue entre les deux pays, malgré leurs différends. « Il faut que quelqu’un lâche et fasse le pas », estime-t-il, suggérant que la solution pourrait passer par « la démission de Retailleau et la libération de Boualem Sansal », tout en précisant qu’il ne partage pas les points de vue de ce dernier. Mellouli dénonce l’existence d’un « écosystème qui est en train de polluer la relation entre la France et l’Algérie, et utilise tous les leviers ». Il rappelle également que « Sansal est entré en Algérie avec un passeport algérien, donc il est Algérien », soulignant la nature juridique de cette affaire instrumentalisée politiquement.

Cette intervention du sénateur Mellouli intervient dans un contexte de tensions diplomatiques persistantes entre Paris et Alger, exacerbées notamment par la reconnaissance française de la pseudo-souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en juillet 2024, décision qui avait provoqué l’ire d’Alger. Les relations entre les deux pays semblent ainsi prises dans une spirale négative, alimentée par des responsables politiques français qui privilégient la surenchère et le discours anti-algérien à la diplomatie constructive.

Salim Amokrane

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