Pillage des richesses du Sahara occidental : Des actions en justice contre les entreprises françaises
Des entreprises françaises seront poursuivies en justice pour leurs activités illégales au Sahara occidental occupé et l’exploitation de ses richesses sans l’accord des Sahraouis.
Le combat juridique pour la reconnaissance des droits du peuple sahraoui sur ses ressources naturelles se poursuit. Le Centre d’analyse du Sahara occidental (CASO) a annoncé mardi le lancement prochain d’une campagne judiciaire d’envergure en France, ciblant les entreprises françaises qui participent à l’exploitation économique du territoire occupé sans le consentement des Sahraouis. Cette initiative marque un tournant stratégique dans la lutte contre le pillage économique orchestré par l’occupation marocaine depuis des décennies. « A compter du 1er janvier 2026, le CASO engagera des actions contentieuses devant les juridictions françaises, dans le cadre de ses missions d’intérêt général, contre toute entreprise ou entité économique ayant contribué, directement ou indirectement, à l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental, territoire non autonome selon les Nations unies, sans le consentement libre et exprimé du peuple sahraoui », précise le communiqué du centre d’analyse. Cette démarche s’appuie sur un arsenal juridique renforcé par les récentes décisions européennes qui ont confirmé l’illégalité de l’extension des accords commerciaux UE-Maroc au Sahara occidental. Le CASO fonde sa stratégie sur « le prolongement de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) », notamment l’arrêt historique du 4 octobre 2024 qui a définitivement invalidé les accords de pêche et d’agriculture conclus entre le Maroc et l’Union européenne en 2019. La haute juridiction européenne avait alors conclu que « les accords commerciaux UE-Maroc de 2019 en matière de pêche et de produits agricoles, auxquels le peuple du Sahara occidental n’a pas consenti, ont été conclus en méconnaissance des principes de l’autodétermination et de l’effet relatif des traités ». Cette décision constitue un précédent juridique majeur qui légitime les actions entreprises par le CASO.
L’offensive judiciaire vise « toute activité économique menée par des sociétés françaises ou opérant sur le territoire français en lien avec l’exploitation illégale des ressources du Sahara occidental (produits agricoles, énergie, tourisme, pêche, logistique, …) ». Les entreprises concernées seront poursuivies pour « pratiques commerciales trompeuses, atteintes aux droits des peuples, ou complicité de pillage, sur le fondement du droit français, du droit européen et des principes du droit international public ». Parallèlement à ces actions contentieuses, le CASO prévoit de saisir les autorités de contrôle compétentes, notamment en matière douanière, afin d’exposer les circuits économiques illégaux qui permettent l’écoulement des ressources pillées sur les marchés européens. Pour coordonner cette offensive, le centre annonce la création d' »une cellule de veille juridique et citoyenne », développée « en lien avec des juristes, des élus et des organisations de défense des droits humains, afin de documenter chaque dossier et d’établir la responsabilité des acteurs économiques impliqués ». Cette structure permanente garantira le suivi méticuleux des dossiers et la constitution de preuves solides pour étayer les poursuites.
Cette initiative s’inscrit dans une dynamique plus large de mobilisation juridique initiée par la République arabe sahraouie démocratique. Le président Ibrahim Ghali vient en effet de créer par décret présidentiel un groupe spécialisé chargé du suivi des ressources naturelles et des questions juridiques connexes. Cette structure officielle « poursuivra toutes les questions liées aux ressources naturelles pillées et aux questions juridiques connexes, et soumettra des comptes aux instances juridiques compétentes ». La création de cet organe institutionnel témoigne de la volonté des autorités sahraouies de systématiser la lutte contre le pillage économique du territoire.
L’arrêt européen d’octobre 2024 a également confirmé que « le Front Polisario satisfait aux conditions pour pouvoir contester devant le juge de l’Union les décisions litigieuses, dans l’intérêt dudit peuple ». « Il est temps de rappeler, en droit comme en conscience, qu’aucun bénéfice économique ne saurait justifier la violation du droit à l’autodétermination d’un peuple colonisé », conclut le CASO dans son communiqué. Cette déclaration synthétise l’enjeu fondamental de cette bataille juridique qui dépasse la simple question économique pour toucher au cœur du droit international et des principes de décolonisation.
Lyes Saïdi