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La guerre au cash est déclarée

Plus de 20 millions de cartes bancaires en circulation, 77.576 terminaux de paiement électronique déployés, et maintenant une feuille de route gouvernementale en cinq axes : l’Algérie accélère sa marche forcée vers l’abandon des espèces. 

Le gouvernement algérien déclare officiellement la guerre aux espèces sonnantes et trébuchantes avec une stratégie ambitieuse articulée autour de cinq axes majeurs.

 Le poids de l’économie informelle favorisée par la prédominance de transactions en cash est fardeau pour l’économie nationale. Dans ce sens les pouvoirs publics ont en mis en place une stratégie complémentaire pour favoriser les transactions numériques via les circuits officielles et mène une véritable guerre contre le cash. Le ministre des Finances, Abdelkrim Bouzred, d’ailleurs détailler les contours de cette stratégie dans une réponse député Abderrahmane Salhi, le 19 juillet, que ce dernier a d’ailleurs publié sur sa page Facebook. « L’adoption progressive et généralisée des solutions de paiement électronique repose sur une coopération efficace entre les différents acteurs publics et privés », explique d’emblée Abdelkrim Bouzred dans sa réponse. Cette offensive anti-cash s’appuie sur la création du Comité national des paiements, institué conformément à la loi monétaire et bancaire du 21 juin 2023. « La mission principale est d’élaborer une stratégie nationale destinée à développer les moyens de paiement non monétaires, afin de faciliter les transactions bancaires et de favoriser l’inclusion financière », précise le ministre.L’arsenal déployé par les autorités repose sur « une feuille de route à court terme » mobilisant l’ensemble des acteurs concernés. « Cette démarche repose sur la coopération de l’ensemble des acteurs concernés, qu’il s’agisse des ministères, des organismes publics ou des institutions financières, notamment la Banque d’Algérie, Algérie Poste, la Haute-Commissariat à la Numérisation, le GIE Monétique, SATIM et l’ABEF », détaille Bouzred.

« Cette stratégie, appuyée par un comité technique dirigé par la Direction générale du Trésor et de la Comptabilité, coordonne les actions entre les parties concernées et assure le suivi des indicateurs de performance », souligne le ministre. La feuille de route s’articule autour de cinq axes stratégiques : l’adaptation du cadre réglementaire, la modernisation des infrastructures, le développement de technologies innovantes, l’accélération de la numérisation des paiements et la promotion d’une culture financière numérique. « Dans le secteur privé, l’installation obligatoire de dispositifs de paiement électronique dans les supermarchés et commerces est prévue », annonce le ministre. Mais le gouvernement mise aussi sur une approche incitative : « des mesures fiscales incitatives, telles que des réductions de TVA et des exonérations pour les commerçants et les consommateurs, visent à accélérer l’adoption des paiements numériques. »

Cette stratégie de la carotte plutôt que du bâton s’accompagne d’un volet communication ambitieux. « La promotion du paiement électronique repose sur des campagnes de sensibilisation destinées aux consommateurs et aux commerçants, mettant en avant les avantages sécuritaires et économiques des transactions numériques », explique Bouzred. Ces campagnes, « considérées d’intérêt public, seront diffusées gratuitement sur différents canaux, dont la télévision, la radio et les réseaux sociaux. »

Un état des lieux révélateur

Les statistiques présentées par le ministre révèlent un écosystème déjà substantiel mais aux potentiels largement inexploités. À fin avril 2025, l’Algérie comptait 20.498.350 cartes de paiement émises, dont 16.189.017 cartes Edahabia d’Algérie Poste et 4.309.333 cartes CIB bancaires. Le parc de distributeurs automatiques s’élève à 4.577 unités qui ont traité 197.323.075 transactions en 2024, pour un montant total de 3.691 milliards de dinars. Plus révélateur encore, les 77.576 terminaux de paiement électronique installés à fin avril 2025 n’ont généré que 5.579.708 transactions en 2024, représentant 44,5 milliards de dinars – un chiffre qui souligne l’ampleur du chemin à parcourir.Le commerce électronique reste embryonnaire avec seulement 644 e-commerçants affiliés, même si 63.634.914 transactions électroniques ont été réalisées depuis le lancement du service. « Sur l’ensemble du programme, plus de 21 des 49 mesures prévues dans la première feuille de route ont déjà été mises en œuvre », se félicite le ministre, qui annonce qu’« une nouvelle feuille de route est actuellement en préparation. » Cette seconde version intégrera « les actions non finalisées de la première phase et proposera de nouvelles mesures jugées prioritaires. »

Parmi les innovations promises figurent les cartes sans contact, les cartes à débit différé et les cartes virtuelles, ainsi que le développement des paiements via téléphone mobile et codes QR. « Les banques sont également encouragées à créer leurs propres applications de paiement, dont l’interopérabilité sera assurée par le système Mobile Switch », précise Bouzred. Cette guerre déclarée au cash ne constitue pas qu’une simple modernisation technique. Elle représente un changement de paradigme économique majeur pour l’Algérie, visant à élargir l’assiette fiscale, lutter contre l’économie souterraine et favoriser l’inclusion financière. « Ces initiatives traduisent l’engagement clair des autorités publiques à renforcer et moderniser le système de paiement, à travers une approche progressive, inclusive et structurée », conclut le ministre. 

Sabrina Aziouez

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