IATF: Vitrine d’une ambition économique retrouvée
Du 4 au 10 septembre prochain, Alger accueillera la quatrième édition de la Foire commerciale intra-africaine (IATF 2025), un événement qui cristallise les ambitions continentales de l’Algérie.
Avec un PIB frôlant les 270 milliards de dollars en 2024, l’Algérie occupe déjà le troisième rang des économies africaines, mais les autoirités affichent des objectifs bien plus ambitieux. Le président de la République Abdelmadjid Tebboune n’a pas hésité à dévoiler sa stratégie lors de la deuxième rencontre nationale avec les opérateurs économiques en avril dernier : « Grâce à sa jeunesse et à ses opérateurs économiques dont nous sommes fiers, l’Algérie aspire à devenir, d’ici deux à deux ans et demi, la deuxième ou la première économie du continent africain et à réaliser ainsi les aspirations de nos citoyens, par fidélité à ceux qui se sont sacrifiés pour cette patrie. » Cette déclaration, loin d’être un simple vœu pieux, s’appuie sur des fondamentaux économiques solides et une stratégie de diversification déjà engagée.
L’IATF 2025 représente ainsi un test grandeur nature pour cette ambition. L’événement arrive à point nommé alors que l’Algérie vient d’être reclassée par la Banque mondiale dans la tranche supérieure des pays à revenu intermédiaire, reconnaissance internationale de ses performances économiques récentes. Cette ascension s’accompagne d’une transformation structurelle notable, l’industrie captant désormais près de 50% des nouveaux investissements enregistrés auprès de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement, marquant une rupture avec l’économie rentière traditionnelle. La géographie joue un rôle déterminant dans cette stratégie de conquête. Avec ses 2,38 millions de kilomètres carrés, l’Algérie dispose de la plus vaste superficie africaine et partage des frontières terrestres avec sept pays, créant un corridor naturel entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe méditerranéenne. Cette position de carrefour continental transforme potentiellement le pays en hub logistique et commercial incontournable pour les échanges intra-africains, objectif central de la ZLECAf.
L’organisation de l’IATF 2025 intervient également dans un contexte énergétique favorable pour l’Algérie. Sonatrach, première compagnie pétrolière et gazière africaine, maintient le pays dans le peloton de tête des exportateurs d’hydrocarbures continentaux. Cette rente énergétique, critiquée par le passé pour sa nature extravertie, devient aujourd’hui un levier de financement de l’industrialisation et de l’intégration régionale. Les revenus gaziers et pétroliers alimentent les investissements dans les secteurs porteurs identifiés par les autorités : agriculture, mines, technologies et innovation.
Le secteur agricole illustre parfaitement cette stratégie de repositionnement. Longtemps importatrice nette, l’Algérie revendique désormais son autosuffisance pour plusieurs productions stratégiques, notamment les légumes, fruits et certaines céréales, tout en dégageant des excédents exportables. Cette performance lui vaut la reconnaissance de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, qui classe le pays parmi les mieux positionnés africains en matière de sécurité alimentaire. Un atout majeur dans un continent où l’insécurité alimentaire constitue un défi persistant.
L’innovation et l’entrepreneuriat représentent l’autre pilier de cette stratégie d’émancipation économique. Avec près de 9.000 startups recensées aujourd’hui et un objectif de 20.000 d’ici fin 2029, l’Algérie mise sur sa jeunesse pour incarner le nouveau modèle économique africain. La tenue annuelle d’une conférence africaine dédiée aux startups, attirant ministres, entrepreneurs et investisseurs continentaux, témoigne de cette volonté de leadership technologique régional. L’indice de développement humain algérien, parmi les plus élevés d’Afrique selon le Programme des Nations unies pour le développement, constitue un avantage compétitif décisif. Cette performance, intégrant espérance de vie, niveau éducatif et revenu par habitant, garantit la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée, prérequis indispensable à toute stratégie d’industrialisation et d’innovation. L’IATF 2025 s’annonce donc comme un laboratoire de la diplomatie économique algérienne. L’événement doit démontrer la capacité du pays à mobiliser ses atouts géographiques, énergétiques, agricoles et humains au service d’une intégration africaine profitable. Les enjeux dépassent largement le cadre commercial classique pour toucher aux équilibres géopolitiques régionaux.
Cette ambition intervient dans un contexte continental particulièrement dynamique. La ZLECAf, entrée en vigueur en 2021, promet de créer le plus grand marché commun mondial depuis l’Organisation mondiale du commerce, représentant 1,3 milliard de consommateurs et un PIB cumulé de 3.400 milliards de dollars. L’Algérie, forte de sa superficie, de sa position géographique et de ses ressources, entend bien capter une part significative de cette manne commerciale. Le succès de l’IATF 2025 conditionnera largement la crédibilité des ambitions nationale. Transformer l’Algérie en deuxième voire première économie africaine nécessite une diplomatie économique efficace, des partenariats stratégiques durables et une capacité d’attraction des investissements continentaux. La foire d’Alger constituera un test décisif de cette stratégie de conquête économique continentale.
Sabrina Aziouez