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Lutte contre le financement du terrorisme : L’argent des associations sous la loupe !

Dans le cadre de la stratégie nationale contre les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, le ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire vient de procéder à une évaluation des risques d’exploitation des associations et organisations à but non lucratif dans le financement du terrorisme.

L’Observatoire national de la société civile vient d’ailleurs de publier une note de synthèse de ce document, fruit d’un travail de six mois mené par une équipe multisectorielle de janvier à juin 2025, et qui dresse un état des lieux précis et propose un plan d’action ambitieux pour sécuriser ce pilier de la société civile. Le contexte international justifie pleinement cette démarche. Comme le souligne le document, « avec l’émergence des organisations terroristes à travers de nombreux pays du monde, de nouvelles méthodes et techniques de financement des crimes terroristes de ces organisations sont apparues, notamment le recours à l’exploitation des associations et organisations à but non lucratif pour obtenir des revenus destinés au financement d’activités ou de crimes terroristes ». Face à cette menace globale, l’Algérie, qui « a beaucoup souffert du phénomène terroriste depuis le début des années 90 du XXe siècle », a pris les devants en rejoignant le Groupe d’action financière pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENAFATF) dès 2004.

L’ampleur du secteur associatif algérien impressionne par sa diversité et sa vitalité. L’étude recense pas moins de 41.807 associations répondant aux critères internationaux du Groupe d’action financière (GAFI), réparties en six grandes catégories. Les associations caritatives dominent le paysage avec 9.619 entités, suivies de près par les associations religieuses qui comptent 20.034 structures. Les associations culturelles (8.198), environnementales (3.615), les fondations (335) et les bureaux d’organisations non gouvernementales internationales (6) complètent ce tableau diversifié. Ces organisations brassent collectivement des montants considérables, avec « une valeur globale des ressources/dépenses/budgets des organisations à but non lucratif soumises à la définition du Groupe d’action financière » s’élevant à plus de 18,5 milliards de dinars, soit l’équivalent de 142,8 millions de dollars américains.

Des risques faibles

Malgré cette richesse associative, l’évaluation révèle des résultats rassurants quant aux risques réels de détournement. La cellule de traitement du renseignement financier n’a enregistré que quatre signalements d’opérations suspectes liées au financement du terrorisme entre 2020 et 2024, concernant trois associations caritatives et une association religieuse. Plus significatif encore, aucune enquête, poursuite judiciaire ou condamnation n’a été enregistrée durant cette période pour des faits de terrorisme ou de financement du terrorisme impliquant des associations.

L’analyse des vulnérabilités permet d’affiner la compréhension des risques. Si le niveau de menace global reste « faible » pour tous les types d’associations, certaines catégories présentent néanmoins des fragilités spécifiques. Les associations caritatives affichent un niveau de vulnérabilité relativement élevé (0,60), suivies par les fondations (0,53) et les associations religieuses (0,52). Cette vulnérabilité s’explique notamment par leur dépendance aux financements extérieurs et leur mode de fonctionnement basé sur la collecte et la redistribution de fonds. Le financement international mérite une attention particulière. Parmi les 845 associations les plus exposées aux risques de financement étranger, la France domine largement avec 62,45% des fonds externes, suivie par la Chine (15,47%), le Canada (3,97%) et les Émirats arabes unis (4,49%). Cette concentration géographique des financements souligne l’importance d’un suivi renforcé des flux financiers transfrontaliers, même si le document précise qu’aucune association n’a été identifiée comme ayant transféré des fonds vers l’étranger.

L’évaluation met également l’accent sur l’efficacité des mesures d’atténuation existantes. La plupart des catégories d’associations bénéficient d’un niveau de réponse « moyennement élevé », à l’exception notable des fondations qui présentent des dispositifs de contrôle plus faibles. Cette situation s’explique en partie par le nombre limité de fondations déclarées auprès des services compétents du ministère de l’Intérieur (seulement 16 sur 335 recensées), ce qui complique leur supervision effective.

Le plan d’action proposé s’articule autour de cinq axes stratégiques ambitieux. Le renforcement des capacités des associations constitue le premier pilier, avec « la finalisation des programmes de sensibilisation au profit des associations du sous-groupe le plus exposé aux risques de financement du terrorisme, en tenant compte du suivi de leurs activités et financements ». Parallèlement, l’amélioration des capacités institutionnelles prévoit « le renforcement des capacités de compréhension et de sensibilisation des cadres chargés de la gestion des dossiers d’associations et des membres de l’autorité de supervision et de suivi, dans le domaine des risques d’exploitation des organisations à but non lucratif dans le financement du terrorisme ».

La modernisation du cadre réglementaire occupe une place centrale dans cette stratégie. L’objectif est de « réviser le cadre législatif encadrant les associations, en intégrant des dispositions concernant l’approche basée sur les risques, les mesures de prévention et l’obligation de déclaration du bénéficiaire effectif, ainsi que la soumission des fondations au contrôle de l’autorité de supervision et de surveillance ». Cette révision vise à harmoniser la législation nationale avec les standards internationaux, notamment ceux de la recommandation 8 du Groupe d’action financière.

L’amélioration des procédures de supervision et de contrôle constitue le quatrième volet, avec le lancement d’un « programme d’inspection du sous-groupe le plus exposé aux risques d’exploitation dans le financement du terrorisme, situé au niveau des wilayas frontalières, dans le but d’appliquer des sanctions administratives contre les associations qui violent la législation en vigueur ».

Enfin, le renforcement de la coopération internationale vise à « développer la coopération internationale au titre de la prévention des risques de financement du terrorisme et de leur lutte, notamment avec les pays de la région et les organisations régionales et internationales ». Cette coopération s’appuiera sur la cellule de traitement du renseignement financier comme point de contact privilégié. Cette évaluation témoigne de la maturité de l’approche algérienne en matière de lutte contre le financement du terrorisme. En identifiant précisément 3.115 associations à haut risque tout en préservant l’écosystème associatif dans son ensemble, les autorités démontrent leur capacité à concilier sécurité nationale et vitalité de la société civile.

Hocine Fadheli

admin

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