Visas pour l’exploitation de films et les manifestations culturelles : L’État resserre l’étau !
Les pouvoirs publics fixent de nouvelles règles pour l’exploitation et la distribution de films étrangers en Algérie. Un encadrement qui doit garantir un accès à la production cinématographique internationale, tout en renforçant la protection de l’identité et l’immunité culturelle.
Le décret exécutif n°25-238 du 9 septembre 2025, publié dans la dernière livraison du Journal officiel, redéfinit les règles du jeu pour l’exploitation cinématographique. Ce texte, signé par le Premier ministre Sifi Ghrieb, instaure un double système de contrôle pour la délivrance du visa d’exploitation cinématographique et du visa culturel. Le texte fixe ainsi les conditions de délivrance du visa d’exploitation cinématographique pour les films commerciaux et le visa culturel pour les manifestations artistiques. Le décret, qui « fixe les conditions et les modalités de délivrance du visa d’exploitation cinématographique et du visa culturel », s’appuie sur la loi n°24-07 du 29 avril 2024 relative à l’industrie cinématographique.
Pour le visa culturel, les demandeurs doivent déposer leur dossier « quarante jours avant la date » prévue pour les festivals et manifestations cinématographiques, accompagné d’éléments précis incluant « une copie du film », « le programme de la manifestation culturelle » et « la date et les lieux de projection ». La commission de visionnage des films, véritable gatekeeper du système, dispose de dix jours pour examiner les demandes et « émettre son avis d’accord ou de rejet motivé ». En cas d’acceptation, le visa est délivré « dans un délai n’excédant pas trente jours », témoignant d’un processus relativement rapide une fois l’accord obtenu. Les motifs de retrait du visa révèlent les lignes rouges du système. Le décret prévoit notamment la révocation en cas de « suppression, modification ou ajout au contenu du film » ou de « manquement aux règles du code de l’éthique et de la déontologie de l’activité cinématographique ». L’article 13 confère au ministre de la Culture la possibilité de « saisir le tribunal des référés pour faire ordonner la suspension d’une projection d’un film » dont le contenu serait jugé contraire à la sécurité et à l’ordre public. L’aspect financier n’est pas négligé : « tout film cinématographique importé n’ayant pas obtenu le visa d’exploitation cinématographique, est réexporté à l’étranger aux frais de l’importateur ». Les nouvelles règles prévoient également des procédures de recours. Les décisions de refus peuvent faire l’objet d’un appel auprès du ministre chargé de la Culture, avec des délais stricts de huit jours pour le visa culturel. En dernier ressort, la saisine de la juridiction administrative reste possible, préservant ainsi un contrôle judiciaire du processus.
Cette réglementation s’inscrit dans une dynamique plus large de structuration de l’industrie cinématographique algérienne, portée par le Centre national de la cinématographie et de l’audiovisuel, récemment réorganisé. Elle révèle une ambition de professionnalisation du secteur, tout en maintenant un contrôle sur les contenus diffusés.
Mohand Seghir