Plus de 5,5 millions de Marocains plongés dans la pauvreté : Le système de prédation du Makhzen mis à nu
A l’occasion de la journée internationale dédiée à l’éradication de la pauvreté, l’Association marocaine des droits humains (AMDH) a dévoilé ce samedi un verdict glaçant : plus de 5,5 millions de Marocains vivent aujourd’hui dans une situation de pauvreté ou d’extrême précarité. Ce bilan dénonce le système de prédation économique et social construit sous le régime du Makhzen, et appelle à une rupture radicale face à une gouvernance verrouillée par le clientélisme, la corruption et l’omerta. Dans un communiqué intitulé « Assez des politiques économiques et sociales génératrices de pauvreté et de privation », l’association met le régime marocain face à ses responsabilités : plus de 2,5 millions de personnes sont recensées en situation de pauvreté sévère, tandis que près de 3 millions supplémentaires subissent une fragilité systémique, selon les chiffres du Haut‑Commissariat au plan cités par l’AMDH. Parmi cette masse, 82 % résident en zone rurale : là où la promesse de la « décentralisation » ne s’est jamais traduite en équipements, en services ou en justice sociale.
Ce constat révèle un chapitre de plus dans l’histoire d’une économie soumise aux intérêts du pouvoir : une rente politique entretenue, un magma d’intermédiaires et un appareil d’État transformé en machine à reproduire l’exclusion. Les zones périphériques, abandonnées depuis des décennies, deviennent les camps d’une misère invisible, tandis que les vastes projets « porte-borne » de la monarchie continuent à faire la une des médias.
L’AMDH identifie un lien direct entre ce paysage social dévasté et les mobilisations populaires qui secouent le royaume depuis la fin du mois de septembre. Les manifestations, souvent pacifiques, ont été confrontées à la répression, au silence médiatique et à l’inaction publique. L’association rappelle que « la pauvreté embrasse des millions de citoyen·ne·s dont les territoires ne disposent d’aucun service essentiel ». La colère sociale, déjà latente, y trouve une ouverture brute. Elle pointe du doigt les priorités budgétaires inverties du régime : dépenses somptuaires, affichage international, grands projets symboliques, au détriment des investissements structurants qui permettraient d’assurer le droit à l’éducation, à la santé, à l’eau, à l’électricité, à l’emploi. Une hypocrisie institutionnelle que l’AMDH nomme avec force : « le mariage de l’argent et du pouvoir doit être rompu ». Sans en finir avec la rente, le népotisme et l’impunité, la pauvreté restera structurelle.
L’appel à l’action lancé par l’association va au-delà des chiffres : il s’agit de rompre avec un système qui exclut au lieu d’émanciper. Il s’agit de mettre fin à l’ « affranchissement du capital sur la politique », de démanteler les privilèges, d’installer un système démocratique véritable, respectueux de la volonté populaire et de ses droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux.
L’AMDH exige en guise de priorité : la libération immédiate de tous les prisonniers d’opinion – notamment ceux du mouvement populaire dit du « Hirak du Rif » –, un moratoire sur les poursuites judiciaires contre les jeunes manifestants du mouvement GENZ 212, l’arrêt des pratiques de répression et de dissuasion, la responsabilité pénale des élites économiques et politiques corruptibles, et un plan d’urgence pour un « revenu digne » et un droit au travail effectif pour la jeunesse.
Lyes S.