Alger et Madrid relancent leur coopération : Le protocole de rapatriement des migrants réactivé
Alger et Madrid ont affiché une unité de vues face au défi migratoire méditerranéen et convenu de renforcer leur coordination pour démanteler les réseaux criminels transnationaux.
L’Algérie et l’Espagne ont décidé lundi de relancer leur protocole de coopération sur la mobilité et le rapatriement des migrants en situation irrégulière. Une relance annoncée à l’issue de la réunion bilatérale entre les ministres de l’Intérieur des deux pays à Alger, au cours de laquelle le dossier des sept mineurs algériens arrivés clandestinement en Espagne début septembre a été examiné. Dans une déclaration conjointe au terme de la rencontre avec son homologue espagnol Fernando Grande-Marlaska, le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et du Transport, Saïd Sayoud a confirmé que « plusieurs questions de grande importance » avaient été abordées, aboutissant à des « résultats significatifs ». Le principal acquis de cette réunion réside dans la constatation que les deux pays « partagent la même approche et les mêmes visions en matière de lutte contre la migration irrégulière, dans l’intérêt des deux pays », a-t-il souligné. La relance du protocole de coopération relatif à la mobilité et au rapatriement des migrants constitue la décision phare de cette rencontre. Ce mécanisme, qui avait connu un ralentissement ces dernières années, sera réactivé pour permettre une gestion plus efficace des flux migratoires entre les deux rives de la Méditerranée. L’accord prévoit notamment le renforcement de la coopération policière bilatérale et multilatérale, l’échange d’expertises dans la lutte contre la falsification de documents et une coordination accrue dans le démantèlement des réseaux de passeurs.
Le rapatriement des 7 mineurs harragas demandé
Le cas des sept mineurs algériens, qui ont défrayé la chronique en émigrant clandestinement en Espagne à bord d’un bateau volé début septembre, a fait l’objet d’une attention particulière lors de cette rencontre. Saïd Sayoud a annoncé la poursuite des efforts « en vue du rapatriement des sept mineurs se trouvant en Espagne », précisant que « les autorités judiciaires espagnoles ont été destinataires de tous les dossiers et informations demandés » et qu’une « réponse à la demande algérienne interviendra dans un avenir proche ». Du côté espagnol, Fernando Grande-Marlaska a révélé que les parents de ces enfants ont demandé à exercer leur tutelle. « La procédure est en cours de traitement dans notre pays et c’est la justice qui est chargée d’étudier cette affaire ainsi que tous les documents présentés par les autorités algériennes. La volonté des parents d’exercer leur tutelle sera prise en compte », a-t-il indiqué, laissant entrevoir une issue favorable à la demande algérienne. Les deux ministres ont également convenu de mettre en place plusieurs mécanismes de coopération opérationnelle. Une commission d’experts des services de la Protection civile des deux pays sera installée, chargée de la concertation en matière de gestion des catastrophes naturelles. Dans le domaine de la sécurité routière, qualifiée de « priorité absolue » par le ministre algérien, les deux parties ont décidé de renforcer l’échange d’expertises et de mettre à profit l’expérience espagnole pionnière dans ce secteur. Le ministre espagnol s’est félicité de cet accord, affirmant que la nouvelle politique adoptée « permettra à l’Algérie de devenir un modèle en Afrique » en matière de sécurité routière.
Cette rencontre s’inscrit dans la continuité des travaux de la commission mixte de coopération sécuritaire qui s’est tenue à Madrid le 13 octobre dernier. Lors de son allocution d’ouverture, Saïd Sayoud avait salué « hautement » les résultats de cette commission, exprimant sa « grande satisfaction quant au volume des échanges et à la régularité croissante » de la mise en œuvre des activités de coopération entre les polices des deux pays. Un programme de formation pour la période 2025-2026 a été élaboré, axé notamment sur le renforcement des capacités des unités d’opérations spéciales, la lutte contre la migration maritime clandestine et la mise en place de formations de haut niveau. Sur le plan des résultats concrets, le ministre algérien a dressé un bilan impressionnant des efforts de son pays dans la lutte contre la migration irrégulière. En 2024, plus de 100.000 migrants en situation irrégulière ont été empêchés de se déplacer vers l’Afrique du Nord et l’Europe. En 2025, plus de 82.000 migrants ont été reconduits vers leurs pays d’origine « dans des conditions décentes garantissant leur dignité et leurs droits fondamentaux ». Ces opérations se sont accompagnées du démantèlement d’un nombre important de réseaux criminels transnationaux impliqués dans la migration irrégulière, la contrebande, la traite des êtres humains et le trafic de drogues et d’armes.
« L’Algérie ne recourt pas au chantage migratoire »
Saïd Sayoud a tenu à souligner une position de principe de son pays face à ce phénomène. « Malgré les pressions et les menaces liées à ce phénomène, l’Algérie ne recourt en aucun cas à la question migratoire comme moyen de chantage ou de marchandage avec les pays de destination, contrairement à certaines parties », a-t-il martelé, insistant sur la dimension humanitaire de cette problématique et rappelant qu’il s’agit de « personnes souvent poussées par les conditions économiques et les crises à entreprendre cette dangereuse aventure ». Le ministre a également mis en avant la coopération « exceptionnelle » avec le bureau de l’Organisation internationale pour les migrations en Algérie, qui a permis de faciliter le retour volontaire de 8.500 migrants en 2024 et de plus de 7.000 autres en 2025, dans le respect des droits de l’homme.
Fernando Grande-Marlaska a de son côté rendu un hommage appuyé aux efforts algériens dans ce domaine. « Nous saluons les efforts continus déployés par les autorités algériennes dans la lutte contre la migration irrégulière et nous nous félicitons du travail des forces de sécurité algériennes pour préserver la vie des migrants clandestins », a déclaré le ministre espagnol, soulignant que « le démantèlement de ces réseaux criminels contribue à sauver des vies qui s’aventurent à travers la mer ». Il a qualifié l’Algérie de « partenaire clé » pour l’Espagne et insisté sur la nécessité d’une action commune face à des organisations criminelles qui disposent d’une grande capacité d’adaptation et qui ne se limitent pas à la traite humaine mais exercent également d’autres activités illicites. Les deux ministres ont convenu de maintenir un contact permanent pour assurer le suivi de la mise en œuvre des engagements pris lors de cette réunion et d’ouvrir les portes du dialogue dans d’autres domaines à l’avenir, témoignant ainsi de leur volonté de faire de ce partenariat stratégique un instrument efficace face aux défis sécuritaires et humanitaires communs.
Salim Amokrane
Le Président Tebboune reçoit le ministre espagnol de l’Intérieur
Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a reçu lundi le ministre espagnol de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska en présence du directeur de cabinet de la Présidence Boualem Boualem et du ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et des Transports Saïd Sayoud.
R.N.